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REMARQUES FINALES

paraître parfois des variétés nouvelles et supérieures. Il est possible qu’on n’arrive jamais à produire des bœufs plus grands ou à proportions plus belles que nos animaux actuels, ou un cheval plus rapide qu’Éclipse, ou une groseille plus grosse que la variété « London ; » mais il serait téméraire d’affirmer que sous ces divers points de vue, on ait définitivement atteint la dernière limite. On a déjà souvent affirmé qu’on était arrivé à la perfection pour certaines fleurs et fruits, mais cependant le type n’a pas tardé à être dépassé. On ne parviendra peut-être pas à obtenir une race de pigeons à bec plus court que celui du Culbutant courte-face actuel, ou à bec plus long que celui du Messager anglais, car ces oiseaux sont d’une constitution faible, et mauvais reproducteurs ; mais ces becs courts et longs sont les points que depuis cent cinquante ans environ on a constamment cherché à améliorer, et quelques juges très-compétents refusent d’admettre que la dernière limite du possible ait encore été atteinte. Nous pouvons aussi raisonnablement supposer, d’après ce que nous voyons de la variabilité des parties très-modifiées dans les espèces naturelles, que toute conformation, après être demeurée constante pendant une longue série de générations peut, sous l’action de nouvelles conditions d’existence, recommencer une nouvelle série de variations, et donner ainsi de nouveau prise à la sélection. Néanmoins, ainsi que le fait remarquer avec raison M. Wallace[1], il doit y avoir chez les productions tant naturelles que domestiques, une limite aux changements possibles dans certaines directions ; il y a par exemple une limite à la rapidité que peut atteindre un animal terrestre, parce qu’elle est déterminée par les frottements à vaincre, le poids à porter, et l’énergie avec laquelle les fibres musculaires peuvent se contracter. Le cheval de course anglais peut être arrivé à cette limite, mais il surpasse déjà en rapidité son ancêtre sauvage et toutes les autres espèces du genre.

À voir les différences qui existent entre beaucoup de races domestiques, il n’est pas surprenant que quelques naturalistes aient conclu à leur descendance de plusieurs souches primitives, ignorant l’influence de la sélection, et la haute antiquité

  1. The Quarterly Journal of Science, oct. 1867, p. 486.