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REMARQUES FINALES.

aussi probable que les races naturelles ont dû être influencées jusqu’à un certain point par les modifications, d’ailleurs légères, qui ont pu survenir dans les conditions physiques ambiantes.

Il y a une distinction beaucoup plus importante à faire, entre les races qui, depuis leur origine, ont été modifiées d’une manière assez lente et insensible, pour que nous puissions à peine dire quand et comment la race s’est formée, même si nous avions ses ancêtres sous les yeux et les races dont le point de départ a été une déviation demi-monstrueuse de conformation, qui peut ensuite s’être augmentée par sélection. D’après ce que nous savons de leur histoire, et d’après leur apparence générale, nous pouvons être à peu près certains que le cheval de course, le lévrier, le coq de combat, etc., se sont formés et améliorés lentement, comme cela a aussi été le cas pour quelques races de pigeons. Il est d’autre part constaté que les races des moutons ancons et mauchamps, le bétail niata, les bassets et les mops, les poules sauteuses et frisées, les pigeons à courte-face, les canards à bec courbé, etc., ainsi qu’une foule de variétés de plantes, ont apparu subitement à peu près dans l’état où elles sont actuellement. La fréquence de cas pareils pourrait faire supposer à tort que les espèces naturelles ont dû souvent avoir une origine soudaine analogue.

Mais nous n’avons pas de preuves de l’apparition, ou du moins de la propagation continue, dans l’état naturel, de brusques modifications de conformation, et on pourrait opposer à cette manière de voir quelques raisons générales, et en particulier celle que, sans séparation, une variation monstrueuse unique serait presque inévitablement bientôt effacée par le croisement.

Nous avons, d’autre part, des preuves nombreuses qu’à l’état de nature, il apparaît constamment de légères variations individuelles de toutes espèces, et ceci nous porte à conclure que les espèces doivent généralement leur origine à une sélection naturelle, non de modifications brusques, mais de différences fort légères, suivant une marche comparable à l’amélioration lente et graduelle qu’ont éprouvée nos chevaux de course, nos lévriers et nos coqs de Combat. Chaque détail de conformation étant dans chaque espèce précisément adapté à ses conditions d’existence, il en résulte qu’il sera fort rare