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REMARQUES FINALES

maux ou semi-monstrueux, comme le lévrier italien, le bouledogue, l’épagneul Blenheim et le limier parmi les chiens, — quelques races de bétail et de porcs, plusieurs races gallines, et les principales races de pigeons. Les différences entre ces races anormales portent surtout sur des parties qui, dans les espèces naturelles voisines, ne diffèrent que peu ou pas du tout. Ceci s’explique par le fait que l’homme, surtout dans les commencements, applique la sélection à des déviations de structure apparentes et demi-monstrueuses. Il faut toutefois procéder avec circonspection avant de décider quelles déviations doivent mériter la qualification de monstrueuses ; car il est à peu près certain que si la brosse de crins qui garnit le poitrail du dindon mâle, eût apparu en premier chez l’oiseau domestique, on l’eût regardée comme une monstruosité ; la grande touffe de plumes de la tête du coq Huppé, a été considérée comme telle, bien que la huppe se rencontre chez un grand nombre d’oiseaux. Nous pourrions appeler une monstruosité la peau caronculeuse qui entoure la base du bec du pigeon Messager anglais, mais nous ne qualifions pas ainsi l’excroissance globuleuse charnue qui se trouve à la base du bec du Carpophaga oceanica mâle.

Quelques auteurs ont voulu établir une ligne de séparation tranchée entre les races artificielles et naturelles, mais bien que dans les cas extrêmes, leur distinction soit assez nette, elle devient difficile dans la plupart des autres. La différence entre les unes et les autres provient surtout du genre de sélection qui a été appliqué. Les races artificielles sont celles qui ont été améliorées par l’homme avec intention ; elles ont souvent un aspect peu naturel, et sont très-sujettes à perdre leurs qualités de perfection par retour et par continuation de leur variabilité. Les races dites naturelles, d’autre part, sont celles qu’on trouve actuellement dans les pays à demi civilisés, et qui habitaient autrefois des districts séparés dans presque tous les pays de l’Europe. Elles n’ont été que rarement l’objet d’une sélection intentionnelle de la part de l’homme, mais elles ont été influencées soit par une certaine sélection inconsciente, soit par la sélection naturelle, car les animaux élevés dans les pays à demi civilisés ont encore à pourvoir par eux-mêmes dans une assez grande mesure à leurs propres besoins. Il est