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REMARQUES FINALES.

peut pas observer les modifications internes des organes importants, et il ne s’en occupe pas, tant qu’elles ne sont pas incompatibles avec la vie et la santé. Qu’importe à l’éleveur un léger changement dans les molaires de ses porcs, une molaire supplémentaire chez le chien, ou toute autre modification dans l’intestin ou quelque organe interne. L’éleveur cherche à obtenir un bétail dont la viande soit bien lardée de graisse, que celle-ci s’accumule en masses considérables dans l’abdomen de ses moutons, et il y est arrivé. Qu’importe au fleuriste une modification dans la structure de l’ovaire ou des ovules ? Les organes internes importants étant certainement sujets à de légères variations nombreuses, qui seraient probablement héréditaires, l’homme pourrait, sans aucun doute, y déterminer également des changements. Lorsqu’il a apporté des modifications dans des organes importants, il l’a généralement fait inintentionnellement, par suite d’une corrélation avec quelque autre partie apparente, comme lorsqu’il a déterminé un développement d’arêtes et de protubérances osseuses dans le crâne de certaines races gallines, en s’occupant de la forme de la crête, et dans le cas de la race Huppée en cherchant à développer la touffe de plumes qui en orne la tête. En s’inquiétant de la forme extérieure du pigeon Grosse-Gorge, il a énormément augmenté les dimensions de l’œsophage, le nombre de ses côtes ainsi que leur largeur. En augmentant par une sélection soutenue les caroncules de la mandibule supérieure du pigeon Messager, il a beaucoup modifié la forme de l’inférieure, et ainsi dans une foule d’autres cas. Les espèces naturelles ont, d’autre part, été exclusivement modifiées pour leur propre avantage, en vue de les approprier aux conditions d’existence les plus diverses, de leur permettre d’échapper à leurs ennemis et de lutter contre une foule de concurrents. Dans des conditions aussi complexes, il doit donc souvent arriver que des modifications très-variées, portant aussi bien sur des parties importantes qu’insignifiantes, aient pu être avantageuses ou même nécessaires, et aient été acquises lentement mais sûrement, par la survivance des plus aptes. Des modifications indirectes ont dû de même résulter de la loi des variations corrélatives.

Les races domestiques offrent souvent des caractères anor-