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REMARQUES FINALES.

qu’un grand nombre d’espèces très-voisines, ne différant que fort peu par leur apparence, ne donnent, lorsqu’on les unit, qu’un petit nombre de produits, plus ou moins stériles, ou point du tout ; tandis que les races domestiques qui diffèrent les unes des autres d’une manière très-marquée, se montrent parfaitement fécondes dans leurs unions, et donnent des produits également féconds. Ce fait n’est cependant pas aussi inexplicable qu’il peut le paraître d’abord. En premier lieu, nous avons, dans le dix-neuvième chapitre, montré que la stérilité des espèces croisées ne dépend pas de différences dans leur conformation extérieure ou leur constitution générale, mais résulte exclusivement de différences dans leur système reproducteur, analogues à celles qui déterminent la diminution de fécondité des unions et des produits illégitimes des plantes dimorphes et trimorphes. En second lieu, la doctrine de Pallas qui admet qu’après une domestication prolongée, les espèces perdent leur tendance naturelle à être stériles lorsqu’on les croise, paraît avoir une grande probabilité, et nous ne pouvons guère échapper à cette conclusion, lorsque nous songeons à la parenté et à la fécondité actuelle des diverses races du chien, du bétail indien et européen, des moutons et des porcs. Il ne serait donc pas raisonnable de s’attendre à trouver de la stérilité chez nos races formées par la domestication, lorsqu’on les croise, pendant que nous admettons en même temps que la domestication élimine la stérilité normale des espèces croisées. Nous ne savons pourquoi les systèmes reproducteurs d’espèces voisines, se trouvent invariablement modifiés de manière à être mutuellement incapables d’agir les uns sur les autres, — bien qu’à un degré inégal dans les deux sexes, comme le prouve la différence de fertilité que présentent dans les mêmes espèces les croisements réciproques, — mais nous pouvons avec grande probabilité, attribuer le fait à ce que la plupart des espèces naturelles ont été habituées à des conditions extérieures presque uniformes pendant un temps beaucoup plus long que les races domestiques ; et nous savons que le changement des conditions exerce une influence spéciale et puissante sur le système reproducteur. Cette différence peut bien expliquer l’action différente des organes reproducteurs lorsqu’on croise des