Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/442

Cette page a été validée par deux contributeurs.
435
REMARQUES FINALES

lait rien préjuger quant à l’origine des pigeons, canards, lapins, chevaux ou tout autre animal. Ils ne tiennent aucun compte de l’improbabilité qu’un grand nombre d’espèces aient pu être domestiquées à une époque très-reculée et barbare. Ils ne songent pas à l’improbabilité qu’il ait pu exister à l’état de nature des espèces qui, eussent-elles ressemblé à nos races domestiques actuelles, se fussent trouvées au plus haut point anormales, comparées à toutes leurs congénères. Ils soutiennent que certaines espèces qui existaient autrefois, se sont éteintes ou sont inconnues, bien que le monde soit actuellement bien mieux exploré. La supposition de tant d’extinctions récentes n’est pas une difficulté pour eux, car ils ne jugent de sa probabilité que par la facilité ou la difficulté de l’extinction d’autres formes sauvages qui en sont voisines. Enfin ils ignorent souvent les questions de la distribution géographique aussi complétement que si ses lois étaient un simple résultat du hasard.

Bien que pour les raisons précitées il nous soit souvent difficile de juger exactement de l’étendue des changements que nos productions domestiques ont pu éprouver, nous pouvons cependant l’apprécier dans les cas où nous savons que toutes les races descendent d’une espèce unique, telles que celles du pigeon, du lapin, du canard, et presque certainement de l’espèce galline ; et l’analogie peut nous rendre, jusqu’à un certain point, cette appréciation possible, pour les cas d’animaux provenant de plusieurs espèces sauvages. Il est impossible de lire les détails donnés, soit au commencement de cet ouvrage, soit dans un grand nombre d’autres, ou de parcourir nos différents concours, sans être fortement frappé de la variabilité de nos animaux et végétaux domestiqués et cultivés. J’ai, dans ce but, donné quelques détails sur l’apparition de plusieurs particularités nouvelles et étranges. Aucune partie de l’organisme n’échappe à cette tendance à varier. Les variations portent ordinairement sur des points vitaux ou physiologiques de peu d’importance, mais il en est de même pour les différences qui existent entre les espèces naturelles voisines. Il y a même entre les races d’une même espèce souvent plus de différences sur ces caractères peu importants, qu’il n’y en a entre les espèces d’un même genre, ainsi qu’Isidore-Geoffroy Saint-Hilaire l’a signalé pour la taille, la couleur, la structure, la