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REMARQUES FINALES.

s’ils réussiraient et multiplieraient dans d’autres pays, des considérations de cette nature n’ont pu en aucune façon influencer son choix. Nous voyons que l’adaptation du renne et du chameau à des climats très-froids et très-chauds, n’a point empêché leur domestication. L’homme a encore bien moins pu prévoir si ces animaux et plantes devaient varier dans le cours des générations subséquentes, et donner ainsi naissance à de nouvelles races ; et le peu de variabilité dont ont fait preuve l’âne et l’oie n’ont pas empêché leur domestication dès une époque fort reculée.

À fort peu d’exceptions près, tous les animaux et les plantes qui ont été longtemps domestiqués ont beaucoup varié. Peu importent le climat où on les tient et le but pour lequel on les élève, soit comme nourriture, pour la chasse ou le trait, pour leur toison, ou comme agrément ; dans tous les cas, les animaux et plantes domestiques ont varié infiniment plus que toutes les formes, qu’à l’état naturel on considère comme des espèces distinctes. Nous ne savons point pourquoi quelques animaux et plantes ont varié à l’état de domestication plus que d’autres, ni pourquoi sous l’influence d’un changement dans leurs conditions d’existence, il en est qui sont devenus plus stériles que d’autres. Nous jugeons souvent de l’étendue des variations d’après le nombre et la diversité des races produites, mais il est bien des cas dans lesquels cette diversité ne s’est pas présentée, parce qu’on n’a pas cherché à accumuler avec suite les variations successives, peine qu’on ne prend généralement pas pour les animaux ou plantes n’ayant que peu de valeur, qu’on ne surveille pas d’une manière spéciale, ou qu’on n’élève pas en grand nombre.

La variabilité flottante, et autant que nous pouvons en juger, indéfinie de nos productions domestiques, — la plasticité de toute leur organisation, — est un des faits essentiels qui ressortent des nombreux détails consignés dans les premières parties de cet ouvrage. Les animaux domestiques et les plantes cultivées ne peuvent cependant avoir été exposés à des changements de conditions beaucoup plus considérables que n’ont dû l’être un grand nombre d’espèces naturelles dans le cours des changements incessants, géologiques, géographiques et climatériques qui ont eu lieu sur le globe entier. Les premiers