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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

deux parties homologues se confondent pour n’en former qu’une seule : il se peut aussi que les gemmules d’un des deux embryons adjacents se développent seules.

La variabilité, ainsi que j’ai cherché à le montrer, dépend souvent de ce que les organes reproducteurs sont influencés d’une manière défavorable par des changements dans les conditions extérieures ; et dans ce cas, les gemmules, émanant des diverses parties du corps, se sont probablement agrégées d’une manière irrégulière, quelques-unes étant superflues, d’autres insuffisantes. Nous ne saurions dire si une surabondance des gemmules, jointe à leur fusion pendant le développement, pourrait déterminer l’augmentation de taille de quelque partie ; mais nous pouvons voir que leur défaut partiel, sans entraîner nécessairement l’atrophie complète d’un organe, peut y causer des modifications considérables ; car, de même qu’une plante peut être aisément hybridisée si son propre pollen est exclu, de même une cellule, si les gemmules voulues venaient à faire défaut, se combinerait probablement facilement avec d’autres gemmules analogues. Nous voyons quelque chose de ce genre dans le cas d’ongles imparfaits qui poussent sur les tronçons de doigts amputés[1], car les gemmules d’ongles se sont évidemment développées sur le point le plus rapproché.

Dans les variations causées par l’action directe du changement dans les conditions, qu’elles soient ou non d’une nature définie, telles que celles qu’ont subies les toisons des moutons dans les pays chauds, le maïs croissant dans les pays froids, la goutte héréditaire, etc. ; les tissus du corps sont, d’après la doctrine de la pangenèse, directement affectés par les nouvelles conditions, et émettent par conséquent des gemmules modifiées qui se transmettent à la descendance avec leurs nouvelles particularités. Dans la manière de voir ordinaire, il est impossible de comprendre comment le changement de conditions, qu’il agisse sur l’embryon, le jeune animal ou sur l’adulte, puisse déterminer des variations héréditaires. Il est également incompréhensible que les effets de l’usage ou du défaut d’usage longtemps continués, ou de modifications d’habitudes

  1. Physiologie de Müller, trad. française, 1845, t. I, p. 302.