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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

prendre la cause prochaine, si nous faisons la supposition, qui n’a rien d’improbable, que les bourgeons, comme les fragments d’une hydre hachée en morceaux, sont formés d’un tissu qui a déjà traversé plusieurs des premières phases du développement, car dans ce cas leurs cellules ou unités composantes ne s’uniraient pas aux gemmules dérivées de cellules antérieurement formées, mais seulement à celles venant ensuite dans l’ordre du développement. D’autre part, nous devons croire que dans les éléments sexuels, ou probablement dans la femelle seule, il doit exister des gemmules de certaines cellules primordiales qui, aussitôt que leur développement commence, s’unissent suivant une succession voulue, aux gemmules de toutes les parties du corps, depuis la première jusqu’à la dernière période de la vie.

Le principe de la formation indépendante de chaque partie, en tant que son développement dépende de l’union des gemmules convenables avec certaines cellules naissantes, et de la surabondance des gemmules dérivées des deux parents et multipliées spontanément, éclaircit un groupe de faits fort différent qui, dans les idées ordinaires qui règnent sur le développement, paraît fort étrange. Je veux parler des organes qui sont anormalement transposés ou multipliés. Ainsi les poissons dorés ont des nageoires surnuméraires placées sur diverses parties de leur corps. Nous avons vu que lorsque la queue d’un lézard se rompt, il s’en reproduit quelquefois une double, et que quand on divise longitudinalement la patte d’un triton, il se forme quelquefois des doigts additionnels. Lorsque des grenouilles, crapauds, etc., naissent avec leurs membres doubles, cette duplication, selon la remarque de Gervais[1], ne peut être due à la fusion complète à l’exception des membres, de deux embryons, puisque les larves sont privées de membres. Le même argument est applicable[2] à certains insectes pourvus de membres ou d’antennes multiples, qui proviennent aussi de la métamorphose de larves apodes ou privées d’antennes. Milne Edwards[3] a décrit le cas curieux d’un crustacé dans lequel un des pédoncules oculaires portait

  1. Comptes rendus, 14 nov. 1864, p. 800.
  2. Quatrefages, Métamorphoses de l’homme, etc., 1862, p. 129.
  3. Günther’s, Zoological Record, 1864, p. 279.