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RETOUR.

marron, ils ont partout repris le pelage foncé, les fortes soies, et les crocs du sanglier ; les jeunes revêtent également la livrée du marcassin, avec ses raies longitudinales. Mais même pour le porc, Roulin a remarqué que ceux qu’on rencontre demi-sauvages dans diverses parties de l’Amérique du Sud, différent sous plusieurs rapports. Dans la Louisiane[1], le porc marron diffère un peu par sa forme, et beaucoup par sa couleur, de l’animal domestique, sans toutefois ressembler de très-près au sanglier européen. Quant aux pigeons et aux poules[2], on ignore quelles sont les variétés qui ont repris leur liberté, ainsi que les caractères qu’ont pu revêtir les oiseaux marrons. Dans les Indes occidentales, la pintade redevenue sauvage, paraît varier davantage qu’à l’état domestique. Le Dr Hooker[3] a fortement insisté sur l’insuffisance des preuves, sur lesquelles se base l’opinion générale de la puissance du retour chez les plantes redevenues sauvages. Godron[4] a décrit les navets, carottes et céleris sauvages ; mais à l’état cultivé, ces plantes diffèrent à peine de leurs prototypes sauvages, si ce n’est par l’augmentation et la succulence de certaines parties, — caractères qui se perdraient certainement dès qu’elles se trouveraient dans un sol moins riche, et qu’elles auraient à lutter contre la concurrence d’autres plantes voisines. Aucune plante cultivée ne s’est autant répandue à l’état sauvage, que le cardon (Cynara cardunculus), à la Plata. Tous les botanistes qui l’ont vu croître dans ce pays, sur des champs immenses, et atteignant à la hauteur d’un cheval, ont été frappés de son apparence singulière ; mais j’ignore si elle diffère par des points importants de la forme espagnole cultivée, qu’on dit n’être pas épineuse comme sa descendante américaine ; ou si elle diffère de l’espèce sauvage méditerranéenne, qu’on dit n’être pas sociable.


Retour dans les sous-variétés, races et espèces, à des caractères provenant d’un croisement. — Lorsqu’un individu ayant quelque particularité reconnaissable s’unit à un autre de la même sous-variété, mais dépourvu de cette particularité, celle-ci reparaît souvent chez les descendants, après un intervalle de plusieurs générations. Chacun a pu remarquer, ou entendu parler, d’enfants ressemblant par leur aspect, leurs dispositions mentales, ou par l’expression, à un de leurs grands-parents, ou même à quelque parent collatéral éloigné. Beau-

  1. Dureau de la Malle, Comptes rendus, t. XLI, 1855, p. 807. L’auteur conclut, d’après ses renseignements, que les porcs marrons de la Louisiane ne descendent pas du Sus scrofa européen.
  2. Cap. W. Allen, dans son Expédition au Niger, constate que des volailles à l’état marron se trouvent dans l’île d’Annobon, et se sont modifiées quant à la forme et à la voix, mais son récit est incomplet et très-vague. Cependant je trouve que Dureau de la Malle (Comptes rendus, t. XLI, 1855, p. 690) considère ce cas comme un bon exemple de retour à la souche primitive, et confirmant une assertion encore plus vague émise par Varron.
  3. Flora of Australia, 1859 ; introd., p. IX.
  4. O. C., t. II, p. 54, 58, 60.