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DE LA PANGENÈSE.

« l’essence » ou « l’élément » des deux espèces, termes que je traduirai par gemmules, ont de l’affinité pour leurs semblables, et se séparent ainsi en bandes ou en taches distinctes ; nous avons dans le quinzième chapitre, en discutant l’incompatibilité qui paraît exister entre certains caractères, et s’opposer à leur fusion, donné des raisons qui paraissent justifier l’admission d’une affinité mutuelle de ce genre. Lorsqu’on croise deux formes, il n’est pas rare de voir l’une d’entre elles être prépondérante sur l’autre dans la transmission de ses caractères, fait que nous ne pouvons expliquer qu’en supposant encore que l’une des formes a quelque supériorité par le nombre, la vigueur, ou l’affinité de ses gemmules ; à l’exception toutefois des cas où certains caractères sont présents dans une des formes et latents dans l’autre. Ainsi, par exemple, il y a chez tous les pigeons une tendance latente à devenir bleus, et lorsqu’on croise un pigeon bleu avec un d’une couleur quelconque, la teinte bleue est ordinairement prépondérante. Lorsque nous examinerons les caractères latents, l’explication de cette forme de prépondérance sera évidente.

Lorsqu’on croise ensemble deux espèces, on sait qu’elles ne produisent pas leur nombre normal de descendants ; et sur ce point nous ne pouvons que dire que le développement de chaque organisme dépendant d’affinités très-exactement balancées entre une foule de gemmules et d’unités ou cellules à développer, il ne doit pas être étonnant qu’il puisse résulter du mélange de gemmules émanant de deux espèces distinctes un défaut total ou partiel dans le développement. Nous avons montré, au dix-neuvième chapitre, que la stérilité des hybrides provenant de l’union de deux espèces distinctes dépend exclusivement d’une affection spéciale des organes reproducteurs, mais sans que nous puissions dire pourquoi ces organes sont ainsi affectés ; pourquoi des conditions d’existence artificielles, quoique compatibles avec la santé, déterminent la stérilité ; pourquoi enfin la reproduction consanguine longtemps continuée, ou les unions illégitimes des plantes dimorphes et trimorphes, produisent le même résultat. La conclusion que les organes reproducteurs sont seuls affectés, et non l’organisation entière, concorde parfaitement avec l’aptitude inaltérée et même augmentée que manifestent les plantes hybrides à se