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DE LA PANGENÈSE.

assez de poison, pour communiquer dans moins de quarante-huit heures, la maladie à un autre animal.

La conservation de gemmules libres et non développées dans le même corps depuis la jeunesse jusqu’à la vieillesse, peut paraître improbable, mais nous devons nous rappeler combien les graines peuvent rester longtemps dormantes en terre et les bourgeons dans l’écorce de l’arbre. Leur transmission de génération en génération peut paraître encore plus improbable ; mais ici encore nous devons songer que bien des organes rudimentaires et inutiles ont été et sont encore transmis depuis un nombre infini de générations. Nous allons maintenant voir comment la transmission longtemps continue des gemmules non développées explique bien un grand nombre de faits.

Comme chaque unité, ou groupe d’unités similaires du corps, émet des gemmules, et que celles-ci sont toutes contenues dans le plus petit ovule ou graine, ou dans chaque spermatozoïde et grain de pollen, leur nombre et leur ténuité doivent être infinis. Je reviendrai sur cette objection qui paraît d’abord si formidable, mais je dois faire remarquer ici qu’une morue peut produire 6,867,840 œufs, un ascaride environ 64,000,000, et une seule Orchidée à peu près autant de millions de graines[1]. Dans ces divers cas les spermatozoïdes et les grains de pollen doivent exister en nombre bien plus considérable. Or, lorsqu’il s’agit de nombres pareils, que l’intelligence ne peut saisir, il n’y a pas de bonne raison pour repousser notre hypothèse actuelle parce qu’elle suppose l’existence de gemmules quelques milliers de fois plus nombreuses.

Dans chaque organisme les gemmules doivent être entière-

  1. M. F. Buckland a soigneusement calculé le nombre d’œufs ci-dessus indiqué pour la morue, d’après des pesées, Land and Water, 1868, p. 62. Dans une autre circonstance, il a trouvé le chiffre de 4,872,000. — Mariner (Phil. Transact., 1768, p. 280) n’a trouvé que 3,681,760. — Pour l’Ascaris, voir Carpenter (Comp. Phys., 1854, p. 590) M. J. Scott, du Jardin Botanique royal d’Édimbourg, a calculé, comme je l’avais fait pour les orchis britanniques (Fertilisation of Orchids, p. 344), le nombre de graines contenues dans une capsule d’Acropera, et en trouva 371,250. Or cette plante produit plusieurs fleurs par racème et plusieurs racèmes par saison. Dans un genre voisin, Gongora, M. Scott a vu vingt capsules sur un seul racème, et dix racèmes de l’Acropera donneraient plus de 74 millions de graines. F. Müller m’apprend qu’il trouva dans une capsule de Maxillaria, au Brésil, un poids de 42 grains 1/2 de graine ; ayant rangé en ligne un demi-grain, il trouva que ce poids contenait 20,667 grains ; il devait donc y en avoir dans la capsule 1,756,440. La même plante peut produire une demi-douzaine de capsules.