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HÉRÉDITÉ.

que, dans certaines circonstances, plusieurs ont dû ainsi redevenir sauvages, et que par conséquent leurs croisements réciproques auront déjà dû tendre à effacer leurs caractères propres. Nos animaux et plantes domestiques doivent toujours être exposés à de nouvelles conditions extérieures, lorsqu’ils reviennent à l’état sauvage, car comme l’a remarqué M. Wallace[1], ils ont à chercher leur nourriture, et sont obligés de lutter contre la concurrence des productions indigènes. Si, dans ces circonstances, nos animaux domestiques n’éprouvaient pas des changements de quelque nature, un tel résultat serait contraire à toutes les conclusions auxquelles nous sommes jusqu’à présent arrivés. Toutefois, je ne doute point que le simple fait d’animaux et de plantes redevenant sauvages, ne doive déterminer chez eux une certaine tendance à un retour vers leur état primitif, mais que quelques auteurs ont beaucoup trop exagérée.


Parcourons rapidement les cas enregistrés. On ne connaît les souches primitives ni du cheval, ni du bœuf, et nous avons vu dans les premiers chapitres qu’ils ont, dans divers pays, repris des colorations différentes. Ainsi les chevaux sauvages de l’Amérique du Sud sont généralement bai brun, et ceux d’Orient isabelles ; leurs têtes sont devenues plus fortes, ce qui peut être dû à un effet de retour. On ne possède aucune bonne description de la chèvre marronne. Les chiens redevenus sauvages, dans diverses parties du monde, ne sont presque nulle part revenus à un type uniforme ; mais ils sont probablement descendus de plusieurs races domestiques, et primitivement de plusieurs espèces distinctes. En Europe et à la Plata, les chats redevenus sauvages sont régulièrement rayés ; ils ont, dans quelques cas, augmenté considérablement de taille, mais ne diffèrent pas d’ailleurs des chats domestiques. Les lapins domestiqués de couleurs variées, rendus à la liberté en Europe, reviennent ordinairement à la couleur de l’animal sauvage ; il est très-probable que ce retour a effectivement lieu, mais il ne faut pas oublier que les lapins à couleurs apparentes, devant être facilement la proie des animaux carnassiers, et plus exposés aux coups des chasseurs, doivent être promptement détruits, et remplacés par le lapin commun, plutôt qu’ils ne reviennent par transformation au type de ce dernier. C’est du moins l’opinion émise par un propriétaire, qui avait essayé en vain de peupler ses bois de lapins blancs. Nous avons vu que les lapins marrons de la Jamaïque, et surtout ceux de Porto Santo, ont pris des caractères nouveaux, ainsi qu’une autre coloration. Le cas de retour le mieux connu, et sur lequel paraît surtout reposer l’opinion si accréditée de son universalité, est celui du porc. Dans les Indes occidentales, l’Amérique du Sud, et les îles Falkland, où ces animaux sont à l’état

  1. M. Wallace, Journal Proc. Linn. Soc., 1858, vol. III, p. 60.