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DE LA PANGENÈSE.

supérieure et inférieure différent par leur structure de la portion centrale, ces trois parties auront à émettre des gemmules qui, agrégées par affinité mutuelle, formeront des bourgeons ou les éléments sexuels. La même idée peut s’étendre à un animal supérieur, seulement il faut admettre l’émission de milliers de gemmules par les différentes parties du corps. Maintenant, lorsque la patte d’une salamandre est coupée, par exemple, il se forme sur la blessure une légère croûte, au-dessous de laquelle les cellules ou unités d’os, de muscles, de nerfs, etc., sont supposées s’unir avec les gemmules dispersées qui, dans la patte complète, arrivent à leur tour ; celles-ci, en se développant, s’unissent à d’autres, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il se soit formé une papille de tissu cellulaire mou, la patte bourgeonnante, puis, avec le temps, un membre parfait[1]. Ainsi, la portion de patte enlevée, ni plus ni moins, serait reproduite. Si la queue ou la patte d’un jeune animal était enlevée, il se reproduirait une nouvelle queue ou une patte, comme cela a effectivement lieu après l’amputation de la queue du têtard, car les gemmules de toutes les unités qui composent la queue, sont disséminées dans tout le corps à tous les âges. Mais pendant l’état adulte, les gemmules de la queue larvaire resteraient à l’état dormant, parce qu’elles ne rencontreraient pas les cellules préexistantes à un état de développement convenable pour pouvoir s’unir avec elles. Si, par un changement de conditions ou toute autre cause, une partie du corps se modifiait d’une manière permanente, les gemmules qui ne sont que de minimes portions du contenu des cellules constituant cette partie, reproduiraient naturellement la même modification. Mais les gemmules antérieurement émanées de cette même partie, avant qu’elle eût éprouvé aucun changement, étant encore disséminées dans l’organisme et transmises de génération en génération, pourraient se redévelopper dans des circonstances favorables, et alors la nou-

  1. M. Philippeaux, Comptes rendus, oct. 1866, p. 576, et juin 1867, a récemment montré que lorsqu’on enlève le membre antérieur entier, y compris l’omoplate, il n’y a plus possibilité de régénération. Il en conclut que, pour que celle-ci puisse avoir lieu, il faut qu’il reste une petite portion du membre. Mais, comme dans les animaux inférieurs on peut couper en deux le corps entier, et que les deux moitiés peuvent se reproduire, cette manière de voir ne paraît pas probable. La rapide cicatrisation d’une profonde blessure, comme dans le cas de l’extirpation de l’omoplate, ne pourrait-elle pas empêcher la formation ou la sortie du membre naissant ?