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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

hyper-métamorphose, — c’est-à-dire passent par une phase primitive tout à fait différente de la phase larvaire vermiforme ordinaire. Dans le même sous-ordre de crustacés, les Macroures, comme l’a remarqué Fritz Müller, l’écrevisse de rivière éclôt sous la forme qu’elle conserve ensuite ; le jeune homard a les pattes divisées, comme le Mysis ; le Palémon naît sous la forme d’une Zoé, et le Peneus sous celle d’un Nauplie ; et tous les naturalistes savent combien ces formes larvaires diffèrent étonnamment les unes des autres[1]. Quelques autres crustacés, selon le même auteur, partent d’un même point, et arrivent à peu près au même but, tout en offrant de très-grandes différences dans les phases intermédiaires de leur évolution. Le professeur Allman fait au sujet des méduses la remarque que « la classification des Hydroïdes serait relativement très-simple, si, comme on l’a soutenu à tort, les méduses identiques génériquement, provenaient toujours de polypes également génériquement semblables ; et si d’autre part, les polypes génériquement identiques, donnaient toujours naissance à des méduses appartenant aux mêmes genres. » Le Dr Strethill Wright ajoute encore que, dans l’histoire de la vie des Hydroïdes, une phase quelconque médusiforme, polypiforme, ou planariforme, peut faire défaut[2].

D’après l’opinion maintenant généralement acceptée par la plupart des naturalistes, tous les membres d’un même ordre ou classe, les crustacés macroures, par exemple, descendent d’un ancêtre commun. Dans le cours de leur descendance, ils ont beaucoup divergé par leur conformation, mais ont aussi retenu un grand nombre de points communs ; divergence et conservation de caractères qui se sont effectuées bien qu’ils aient parcouru et parcourent encore une série de métamorphoses étonnamment différentes. Ce fait montre clairement combien dans le cours des diverses phases du développement chaque conformation doit être indépendante, tant de celle qui la précède que de celle qui la suit.

  1. Fritz Müller, Für Darwin, 1864, p. 65, 71. Le prof. Milne Edwards, la plus haute autorité en matière de crustacés (Ann. des sc. nat., 2e  série, Zoologie, t. III, p. 322), insiste sur le fait que leurs métamorphoses diffèrent même dans les genres les plus voisins.
  2. Prof. Allman, Annals and Mag. of Nat. Hist., 3e  série, t. XIII, 1864, p. 348. — Dr S. Wright, ibid., vol. VIII, 1861, p. 127. — Voir aussi p. 358, pour des faits analogues observés par Sars.