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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

que des fleurs remarquablement petites. Ces faits montrent clairement que la quantité de matière formatrice spéciale contenue dans les spermatozoïdes et les grains de pollen joue un rôle important dans l’acte de la fécondation, et influe, non-seulement sur le développement complet de la graine, mais aussi sur la vigueur de la plante produite par cette graine. Nous voyons quelque chose d’analogue dans certains cas de parthénogenèse, dans lesquels l’élément mâle n’intervient pas du tout ; car M. Jourdan[1] a constaté que sur 58,000 œufs pondus par des Bombyx du ver à soie non fécondés, un grand nombre parcoururent les premières phases de l’état embryonnaire, montrant par là qu’ils pouvaient se développer ; mais sur la totalité vingt-neuf seulement donnèrent des vers. Il n’est donc pas improbable qu’une insuffisance de quantité de la matière formatrice contenue dans les éléments sexuels, soit une des causes principales pour lesquelles, lorsqu’ils sont séparés, ils sont incapables d’une existence et d’un développement prolongés. L’opinion que le spermatozoïde a pour fonction de communiquer la vie à l’ovule est étrange, puisque l’ovule non fécondé est déjà vivant, et peut continuer à vivre pendant assez longtemps. Nous verrons plus tard qu’il est probable que les éléments sexuels, ou peut-être seulement l’élément femelle, renferment certaines cellules primordiales, c’est-à-dire n’ayant encore subi aucune différenciation, et qui ne se trouvent pas à un état actif dans les bourgeons.

Hybrides de greffe. — En discutant, dans le chapitre onzième, le cas singulier du Cytisus adami, nous avons montré que, lorsque les tissus de deux plantes, appartenant à des espèces ou variétés distinctes, se sont unis d’une manière intime, il se produit occasionnellement des bourgeons qui, comme les hybrides, présentent les caractères combinés des deux formes unies. Il est certain aussi que, lorsqu’on greffe des branches de variétés à feuilles panachées sur une souche ordinaire, celle-ci produit quelquefois des bourgeons portant des feuilles panachées ; on peut, il est vrai, considérer ce fait comme un cas de maladie par inoculation. Le fait que des bourgeons hybrides peuvent résulter de l’union de deux tissus végétaux distincts, est très-

  1. Cité par Sir J. Lubbock, dans Nat. Hist. Review, 1862, p. 345.