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VARIATIONS ANALOGIQUES.

plus diverses possibles ont fourni des variétés à feuilles profondément découpées[1]. Des variétés provenant de trois espèces distinctes de Brassicées ont leurs tiges ou soi-disant racines, fortement élargies en forme de masses globuleuses. Le pêcher lisse est un descendant du pêcher ordinaire ; et les variétés de ces deux arbres offrent un parallélisme frappant dans la couleur de la chair de leurs fruits, qui peut être rouge, blanche ou jaune, — dans le noyau, qui peut-être adhérent ou non à la pulpe, — dans la grosseur des fleurs, — dans les feuilles qui peuvent être dentelées ou crénelées, pourvues de glandes sphériques ou réniformes, ou en être totalement privées. Il faut remarquer que chaque variété du pêcher lisse n’a point dérivé ses caractères d’une variété correspondante de vrai pêcher. Les diverses variétés d’un genre voisin, l’abricotier, diffèrent aussi entre elles de la même manière. Dans aucun de ces cas, il n’y a de raison pour admettre qu’il y ait eu réapparition de caractères anciennement perdus, et pour la plupart, il est certain qu’un pareil retour n’a pas lieu.

Trois espèces du genre Cucurbita ont donné naissance à une foule de races qui se correspondent mutuellement par leurs caractères d’une manière si exacte, que, d’après Naudin, on peut les ranger suivant des séries rigoureusement parallèles. Plusieurs variétés du melon sont intéressantes en ce qu’elles ressemblent, par certains caractères importants, à d’autres espèces appartenant soit au même genre, soit à des genres voisins ; ainsi l’une d’elles a son fruit qui, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, ressemble tellement à celui d’une espèce fort distincte, le concombre, qu’on peut à peine le distinguer de ce dernier ; un autre donne un fruit cylindrique, allongé et tordu comme un serpent ; dans une troisième, les graines sont adhérentes à une partie de la pulpe ; dans une quatrième, le fruit arrivé à maturité se fendille et éclate en morceaux ; et toutes ces particularités remarquables sont caractéristiques d’espèces appartenant à des genres voisins. L’apparition d’autant de caractères singuliers n’est guère explicable par un retour vers une ancienne forme unique, mais nous devons cependant admettre que tous les membres de la famille ont dû hériter d’un ancêtre reculé une constitution presque semblable. Nos céréales, ainsi que beaucoup d’autres plantes nous offrent des cas analogues.

En dehors des effets directs de retour, nous trouvons chez les animaux moins de cas de variations analogiques. Nous pouvons remarquer quelque chose de ce genre dans la ressemblance qui existe entre les races de chiens à museau court, tels que les mops et les bouledogues ; dans les races à pattes emplumées de poules, pigeons et canaris ; dans la coloration des races les plus diverses du cheval ; dans le fait que tous les chiens noir et feu, ont des taches sus-orbitaires et les pattes couleur feu, le retour peut cependant avoir joué un rôle dans ce dernier cas. Low[2] a constaté que plusieurs races de bétail ont tout autour du corps une large bande blanche ; caractère qui est fortement héréditaire, et résulte quelquefois de croisement. Il y a peut-être là un premier pas vers un retour à un type originel et ancien, car, ainsi que nous l’avons montré dans le chapitre troi-

  1. Ueber den Begriff der Pflanzenart, 1834, p. 14.
  2. Domesticated animals, 1845, p. 351.