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LOIS DE LA VARIATION.

présentes, et d’un côté une face parfaite, évidemment formée par la fusion de deux demi-faces. Toutes les fois que deux corps ou deux têtes sont réunis, chaque os, muscle, vaisseau ou nerf, occupant la ligne de jonction, semble chercher son camarade, et se confond complétement avec lui. Lereboullet[1], qui a étudié de très-près la formation des monstres doubles chez les poissons, a pu suivre dans quinze cas la marche graduelle de la fusion en une seule de deux têtes distinctes. Dans ces cas ainsi que dans d’autres, personne n’admet que deux têtes déjà formées puissent effectivement se confondre en une seule, mais les parties correspondantes de chaque tête croissent en une pendant le progrès du développement ultérieur, qui, comme toujours, est le siége d’un travail incessant de résorption et de renouvellement. On croyait autrefois que les monstres doubles étaient formés de deux embryons primitivement séparés et se développant sur des vitellus distincts ; mais actuellement on admet que leur production est due à une division spontanée en deux moitiés de la masse embryonnaire[2] ; division qui peut se faire de différentes manières. Mais l’opinion que les monstres doubles proviennent de la division d’un germe, ne touche en rien à la question de la fusion subséquente, ni à la réalité de la loi de l’affinité des parties homologues.

J. Müller, le sagace et prudent physiologiste[3] parlant des monstres janiceps, remarque que des unions de ce genre sont inexplicables si on ne suppose l’action d’une attraction ou d’une affinité entre les parties correspondantes. D’autre part, Vrolik et d’autres avec lui contestent cette conclusion, et s’appuyant sur l’existence de toute une série de monstruosités, passant graduellement d’un monstre double parfait jusqu’à un simple rudiment de doigt additionnel, soutiennent que la seule cause de toute duplicité monstrueuse est un excès de puissance formatrice. Il est certain qu’il y a deux classes distinctes dans ces monstruosités, et qu’il peut y avoir des parties doubles en dehors de l’existence de deux embryons ; car un

  1. Comptes rendus, 1855, p. 855, 1029.
  2. Carpenter’s, Comp. Physiology, 1854, p. 480. — C. Dareste, Comptes rendus, 20 mars 1865, p. 562.
  3. Éléments de physiologie. — Pour Vrolik, voir Todd’s, Cyclopedia of Anat. and Physiology, vol. IV, 1849–52, p. 973.