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VARIABILITÉ CORRÉLATIVE.

m’apprend qu’il a pu constater une douzaine de cas de cette corrélation chez des chats anglais, persans et danois, et ajoute avoir plusieurs fois observé que si un des yeux n’était pas bleu, le chat entendait. D’autre part, il n’a jamais pu trouver un chat blanc aux yeux de la couleur ordinaire qui fût sourd. En France le Dr Sichel[1] a observé des cas semblables pendant vingt ans, et signale en outre un cas remarquable d’un iris qui, au bout de quatre mois, prit une couleur foncée, en même temps que le chat commençait à entendre.

Ce cas de corrélation a paru merveilleux à plusieurs personnes. Il n’y a rien d’extraordinaire dans cette relation entre les yeux bleus et la fourrure blanche ; et nous avons déjà vu que les organes de la vision et de l’ouïe sont fréquemment affectés ensemble. Dans le cas actuel, la cause gît probablement dans un léger arrêt de développement du système nerveux des organes des sens. Pendant les neuf premiers jours, alors qu’ils ont les yeux fermés, les jeunes chats paraissent être totalement sourds, car on peut faire tout près d’eux un grand bruit de ferraille sans produire aucun effet ; mais il ne faut pas faire cet essai en criant près de leurs oreilles, car, même endormis, ils sont très-sensibles au moindre souffle. Tant que les yeux sont fermés, l’iris est sans doute bleu, car dans tous les jeunes chats, que j’ai pu observer, cet organe conserve encore cette couleur quelque temps après que les yeux sont ouverts. Donc si nous supposons que le développement des organes de la vue et de l’ouïe soit arrêté à la phase des paupières fermées, les yeux resteraient bleus d’une manière permanente, et les oreilles seraient incapables de percevoir des sons ; ainsi s’expliquerait ce cas singulier de corrélation. Comme toutefois la couleur du manteau est déterminée longtemps avant la naissance, et qu’il y a une connexion évidente entre les yeux bleus et la fourrure blanche, il se peut qu’une cause primaire agisse à une période antérieure.

Donnons maintenant quelques exemples de variabilité corrélative dans le règne végétal. Les feuilles, les sépales, les étamines et les pistils sont des parties toutes homologues. Nous voyons que, dans les fleurs doubles, les étamines et les pistils

  1. Ann. sc. nat. Zoologie, 3e sér., 1847, t. VIII, p. 239.