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VARIABILITÉ CORRÉLATIVE.

sujets à perdre leur queue, fait qui dénote une faiblesse du système tégumentaire. On peut l’empêcher par un croisement avec une race plus velue.

Les cas précédents semblent indiquer quelque connexion entre l’absence de poils et un défaut dans le nombre ou la grosseur des dents. Les suivants ont trait à un développement anormal des poils paraissant être en rapport soit avec le manque de dents soit aussi avec leur surabondance. M. Crawfurd a vu, à la cour de Burmah[1], un homme d’une trentaine d’années, dont tout le corps, les pieds et les mains exceptés, était couvert de poils soyeux et droits, qui atteignaient, sur les épaules et l’épine dorsale, une longueur de cinq pouces. À sa naissance, ses oreilles seules étaient velues. Il n’arriva à la puberté et ne perdit ses dents de lait qu’à l’âge de vingt ans, époque à laquelle elles furent remplacées par cinq dents à la mâchoire supérieure, quatre incisives et une canine, et quatre incisives à la mâchoire inférieure ; toutes ces dents furent petites. Cet homme avait une fille, qui n’eut en naissant des poils que dans ses oreilles ; mais ils ne tardèrent pas à s’étendre sur tout le corps. Lorsque le capitaine Yule[2] visita la même cour, il trouva cette fille adulte, ayant l’aspect le plus étrange, car son nez même était couvert d’un poil serré et doux. Comme son père, elle n’avait que des incisives. Le roi ayant réussi à la faire marier, elle eut deux enfants, dont un garçon qui, à l’âge de quatorze mois, avait des poils sortant de ses oreilles, et portait une barbe et une moustache. Cette particularité étrange avait donc été héréditaire dans trois générations, les dents molaires ayant fait défaut chez le grand-père et la mère ; mais on n’a pas pu savoir s’il en avait été de même chez l’enfant. M. Wallace m’a signalé un autre cas sur l’autorité du Dr Purland, dentiste ; c’est celui d’une danseuse espagnole, Julia Pastrana, qui, fort belle femme d’ailleurs, portait un front velu et une forte barbe ; mais le fait intéressant pour nous est qu’elle avait, tant à la mâchoire supérieure qu’à l’inférieure, une rangée double et irrégulière de dents, l’une se trouvant en dedans de l’autre, et dont le Dr Purland a conservé un moule. Sa face très-prognathe par suite de la surabondance

  1. Embassy to the Court of Ava, vol. I, p. 320.
  2. Narrative of a Mission to the Court of Ava in 1855, p. 94.