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HÉRÉDITÉ.

à la forme mère ; ceci me paraît pouvoir s’expliquer par l’intervention incessante d’une variabilité causée par les conditions extérieures. Je serais disposé à le croire, d’après l’observation faite que certains arbres fruitiers propagent bien leur type tant qu’ils croissent sur leurs propres racines, tandis que lorsqu’ils sont greffés, fait qui doit évidemment affecter leur état naturel, ils produisent de graine des plantes qui varient considérablement et s’écartent, par beaucoup de caractères, du type de la forme parente[1]. Metzger, comme nous l’avons vu dans le neuvième chapitre, a trouvé que quelques sortes de froment, importées d’Espagne et cultivées en Allemagne, avaient, pendant quelques années, cessé de reproduire leur type propre, mais qu’ensuite, accoutumées à leurs nouvelles conditions, leurs variations s’étaient arrêtées, et l’influence de l’hérédité avait repris le dessus. Presque toutes les plantes, qui ne peuvent être propagées avec quelque certitude par graine, sont de celles qu’on a longtemps multipliées par bourgeons, boutures, rejetons, tubercules, etc., et ont, par conséquent, pendant leur vie individuelle, été fréquemment exposées à des conditions extérieures des plus diverses. Les plantes, ainsi propagées, deviennent si variables, qu’elles sont éminemment aptes, ainsi que nous l’avons vu dans le précédent chapitre, à présenter des variations de bourgeons. Nos animaux domestiques qui, pendant leur vie individuelle, ne sont point exposés à des conditions aussi diverses ni aussi opposées, ne présentent pas d’autre part une variabilité aussi excessive, et ne perdent par conséquent pas leur faculté de transmettre la plupart de leurs traits caractéristiques. Dans les remarques qui précèdent sur le défaut occasionnel de l’hérédité, nous avons exclu les races croisées, puisque leurs différences dépendent surtout d’un développement inégal des caractères dérivés de chaque parent, et modifiés par les effets de retour ou par l’action prépondérante de l’un d’eux.

CONCLUSION.

Nous avons, au commencement de ce chapitre, montré combien sont fortement héréditaires les caractères nouveaux

  1. Downing, Fruits of America, p. 5. — Sageret, Pom. Phys., p. 43, 72.