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LOIS DE LA VARIATION.

les races gallines descendent de la même espèce ; mais la race espagnole, dont l’origine est très-probablement méditerranéenne[1], quoique fort belle et vigoureuse en Angleterre, y souffre plus du froid qu’aucune autre race. Le ver à soie Arrindy importé du Bengale, et celui de l’ailanthe provenant de la province tempérée de Shan tung, en Chine, appartiennent à la même espèce, comme on peut l’inférer de leur identité sous les divers états de chenille, cocon et papillon[2] ; ils diffèrent cependant beaucoup par leur constitution, la forme indienne ne prospérant que sous des latitudes chaudes, tandis que l’autre, beaucoup plus robuste, résiste au froid et à la pluie.


Les plantes sont plus rigoureusement adaptées au climat que les animaux. Ceux-ci peuvent, à l’état domestique, résister à de telles diversités de climat, que nous trouvons presque les mêmes espèces dans des pays tropicaux et tempérés, tandis que les plantes cultivées y sont fort différentes. Le champ d’investigation est donc bien plus vaste pour les plantes que pour les animaux, et on peut sans exagération dire que presque toute plante qui a depuis longtemps été cultivée, présente des variétés douées de constitutions adaptées à des climats fort différents. On a produit, dans l’Amérique du Nord, un grand nombre d’arbres fruitiers, et les publications horticoles, entre autres celles de Downing, donnent des listes des variétés qui sont les plus capables de résister au climat des États du Nord et du Canada. Un grand nombre de variétés de poiriers, pruniers et pêchers américains sont excellentes dans leur pays, mais ce n’est que tout récemment qu’on en a vu réussir en Angleterre ; les pommiers n’y réussissent jamais[3]. Bien que les variétés d’Amérique puissent supporter un hiver plus rigoureux que le nôtre, nos étés ne sont pas assez chauds pour elles. En Europe comme en Amérique, les arbres fruitiers ont pris naissance avec diverses constitutions, mais on n’y a pas fait grande attention, les mêmes pépiniéristes n’ayant pas à fournir de grandes étendues de pays. La poire Forelle a une floraison précoce, et lorsqu’elle vient de fleurir, moment critique, on a observé en France et en Angleterre qu’elle pouvait impunément supporter un froid de 7 à 10 degrés centigrades au-dessous de zéro, température à laquelle périssent les fleurs, épanouies ou non, de tous les autres poiriers[4]. Cette aptitude de la fleur à résister au froid et à produire ensuite du fruit ne dépend pas invariablement de la vigueur de la constitution générale[5]. À mesure qu’on monte vers le nord, le nombre des variétés capables de résister au climat décroît

  1. Tegetmeier, Poultry Book, 1866. p. 102.
  2. Dr R. Paterson, dans un travail communiqué à la Société botanique du Canada, citée dans le Reader, 1863, 13 nov.
  3. Gardener’s Chronicle, 1848, p. 5.
  4. Ibid., 1860. p. 938.
  5. J. de Jonghe, de Bruxelles, Gard. Chronicle, 1857, p. 612.