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LOIS DE LA VARIATION.

vent à sa base. Il signale aussi une plus grande épaisseur des pattes, et dit que la membrane interdigitale est réduite ; je n’ai cependant pas pu reconnaître cette dernière différence. Dans le lapin domestique, le corps et le squelette sont plus grands et plus pesants que dans l’animal sauvage ; et les os des membres sont plus lourds en proportion ; mais, quel que soit le terme de comparaison employé, ni les os des membres ni les omoplates n’ont augmenté de longueur, en proportion de l’accroissement des dimensions du reste du squelette. Le crâne s’est très-sensiblement rétréci, et d’après les mesures que nous avons données de sa capacité, nous devons conclure que son étroitesse résulte d’une diminution dans le cerveau, résultant de l’inactivité mentale des animaux vivant en captivité.

Nous avons vu, au chapitre huitième, que les papillons du ver à soie, qui ont, pendant des siècles, été enfermés, sortent de leur cocons avec les ailes déformées, impropres au vol, souvent très-réduites dans leurs dimensions et même tout à fait rudimentaires, selon Quatrefages. Cet état des ailes peut être dû au même genre de monstruosité qui s’observe souvent sur les lépidoptères sauvages qu’on élève artificiellement ; ou à une tendance inhérente commune aux femelles de beaucoup de Bombyx, d’avoir les ailes à un état plus ou moins rudimentaire ; mais on doit probablement attribuer une partie de l’effet à un défaut d’usage longtemps prolongé.


Les faits qui précèdent montrent que certaines parties du squelette de nos animaux anciennement domestiqués ont été, sans aucun doute, modifiées en poids et en grosseur par les effets de l’accroissement ou de la diminution d’usage, mais, comme nous l’avons vu, sans l’avoir été dans leur forme ou leur conformation. Nous devons cependant n’étendre qu’avec prudence cette conclusion aux animaux vivant à l’état libre ; car ceux-ci sont ordinairement, dans le cours des générations successives, exposés à une concurrence sévère. Dans la lutte pour l’existence, il serait avantageux pour tout animal sauvage que tout détail de conformation superflu ou inutile fût supprimé ou résorbé, de sorte qu’ainsi les os réduits pourraient en définitive être modifiés quant à leur conformation. Chez les animaux domestiques nourris richement, il n’y a, par contre, aucune économie de croissance, ni aucune tendance à l’élimination des détails de conformation superflus ou insignifiants.

Nathusius a montré que dans les races améliorées du porc, les jambes et le museau raccourcis, la forme des condyles articulaires de l’occiput et la position des mâchoires, dont les canines supérieures se projettent d’une manière anormale en avant des canines inférieures, peuvent être attribués au défaut