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NISUS FORMATIVUS.

une saison six cent quatre-vingt-sept os parfaits. À quelque point que la section eût été faite, la partie manquante, et rien de plus, se reproduisit exactement. Nous avons vu, au douzième chapitre, en parlant de la polydactylie, que même chez l’homme, pendant son état embryonnaire, le membre entier, ainsi que les doigts surnuméraires peuvent parfois, quoique imparfaitement, se reproduire après amputation. Quand un os malade a été enlevé, un nouveau peut quelquefois graduellement acquérir la forme régulière, et les attaches des muscles, ligaments, etc., se compléter comme auparavant[1].

Cette puissance de régénération n’est cependant pas toujours parfaite : la queue régénérée du lézard diffère de la queue normale par la forme de ses écailles ; chez certains orthoptères les grosses pattes postérieures se reproduisent avec de plus petites dimensions[2] ; la cicatrice qui, dans les animaux supérieurs rejoint les bords d’une profonde entaille, n’est pas formée d’une peau parfaite, car le tissu élastique ne s’y produit que longtemps après[3]. L’activité du nisus formativus, dit Blumenbach, est en raison inverse de l’âge du corps organisé. On peut ajouter que sa puissance est d’autant plus grande que les animaux sont placés plus bas dans l’échelle de l’organisation, ceux-ci correspondant aux embryons des animaux plus élevés appartenant à la même classe. Les observations de Newport[4] fournissent une bonne démonstration du fait, car il a trouvé que les myriapodes, dont le développement complet dépasse à peine celui des larves des insectes parfaits, peuvent régénérer leurs pattes et leurs antennes jusqu’à leur dernière mue, ce que peuvent aussi faire les larves d’insectes, mais pas les insectes parfaits. Les salamandres correspondent par leur développement aux têtards ou larves des batraciens anoures, et tous deux possèdent à un haut degré ce pouvoir de régénération, mais pas les batraciens adultes.

L’absorption joue souvent un rôle important dans les réparations de lésions. Lorsqu’un os est rompu et que les fragments ne se ressoudent pas, les extrémités sont résorbées et arrondies de manière à former une fausse jointure ; ou si les extrémités se réunissent, mais en chevauchant, les parties qui dépassent sont enlevées[5]. Ainsi que le remarque Virchow, l’absorption entre en jeu pendant la croissance des os ; les parties qui, pendant la jeunesse, sont pleines, se creusent pour recevoir le tissu médullaire à mesure que l’os s’accroît en grosseur. Pour comprendre les cas nombreux de régénération aidée par la résorption, nous devons nous rappeler que la plupart des parties de l’organisation, bien que conservant la même forme, sont dans un état de renouvellement continuel, de sorte qu’une partie qui ne se renouvellerait pas serait naturellement exposée à une résorption complète.

Quelques cas qu’on rattache ordinairement au soi disant nisus forma-

  1. Carpenter, Principles of Comparative Physiology, 1854, p. 479.
  2. Charlesworth’s, Mag. of Nat. Hist., vol. I, 1837, p. 145.
  3. Paget, Lectures, etc., vol. I, p. 239.
  4. Cité dans Carpenter, Comparative Phys., p. 479.
  5. Paget, O. C., p. 257.