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HÉRÉDITÉ.

lesquels il avait, dans un but d’expérimentations physiologiques, pratiqué une opération particulière, qui déterminait dans le cours de quelques semaines une maladie convulsive semblable à l’épilepsie, une tendance héréditaire à de semblables convulsions épileptiques, dont les jeunes cochons d’Inde provenant d’animaux non opérés ne lui ont jamais offert la moindre trace. En somme, nous ne pouvons guère nous refuser à admettre que des lésions ou mutilations peuvent être occasionnellement héréditaires, surtout, ou peut-être même seulement, lorsqu’elles sont suivies de maladie.

Quoique bien des monstruosités congénitales soient héréditaires, ainsi que nous en avons vu des exemples auxquels on peut encore ajouter le cas récemment signalé d’une transmission dans la même famille, et pendant un siècle, d’un bec-de-lièvre avec fissure du palais[1], il est d’autres difformités qui sont rarement ou jamais héréditaires. Il en est probablement un certain nombre qui, dues à des lésions survenues dans la matrice ou dans l’œuf, doivent être groupées sous le chef des mutilations ou accidents non transmissibles. On pourrait dresser une longue liste de cas de monstruosités héréditaires des plus importantes et des plus diverses chez les plantes, sans que nous ayons aucune raison pour les attribuer à des lésions directes de la graine ou de l’embryon.

CAUSES DE NON-HÉRÉDITÉ.

On peut s’expliquer un grand nombre de cas dans lesquels l’hérédité paraît faire défaut, en admettant que la tendance héréditaire existant réellement, se trouve contre-balancée et annulée par des conditions extérieures hostiles ou défavorables. Ainsi, on ne saurait prétendre que nos porcs améliorés pussent continuer à transmettre à leur descendance, comme ils le font actuellement, leur tendance à l’engraissement, et leurs pattes et museau courts, si, pendant plusieurs générations, on les laissait courir en liberté et fouiller la terre pour y chercher leur nourriture. Les gros chevaux de trait ne transmettraient certes pas longtemps leur grande taille et leurs membres massifs, si on les obligeait à vivre dans une région montagneuse,

  1. M. Sproule, British Medical Journal, 18 avril 1863.