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ACTION DÉFINIE

le crâne saillant des coqs huppés, le jabot des pigeons Grosses-gorges et une foule d’autres cas semblables, que nous ne pouvons guère attribuer à l’action définie, dans le sens précédemment spécifié du terme, des conditions extérieures. Il y a certainement dans chaque cas quelque cause excitante ; mais lorsque parmi d’innombrables individus exposés presque aux mêmes conditions, nous n’en voyons qu’un seul qui soit affecté, par exemple, nous pouvons en conclure que la constitution de l’individu entre pour une part beaucoup plus importante dans le résultat, que les conditions dans lesquelles il a pu se trouver. Il semble même qu’en règle générale, les variations très-apparentes ne surviennent que rarement, et chez un individu seulement sur des milliers, bien que tous, autant que nous en pouvons juger, aient été exposés aux mêmes conditions. Les variations les plus fortement accusées passant graduellement et insensiblement aux plus insignifiantes, nous sommes conduits à regarder chaque variation légère bien plus comme due à des différences innées de constitution, quelle qu’en puisse être la cause, qu’à une action définie des circonstances ambiantes.

La considération des cas, comme ceux des races gallines et des pigeons, qui ont varié et varieront sans doute encore dans des directions opposées, quoique étant depuis bien des générations dans des conditions semblables, nous conduit à la même conclusion. Quelques-uns, par exemple, sont nés avec un bec, des ailes, une queue, des pattes, etc., un peu plus longs, d’autres ayant ces mêmes parties un peu plus courtes. Par une sélection longtemps continuée de pareilles différences individuelles et légères, qui surgissent chez des oiseaux tenus dans une même volière, on pourrait certainement former des races très-distinctes, et cette sélection prolongée, si importants que fussent ses résultats, ne ferait autre chose que conserver les variations qui nous paraissent surgir d’une manière spontanée.

Nous voyons alors, dans ces cas, les animaux domestiques varier par une foule de particularités, bien qu’ils soient tous traités d’une manière aussi uniforme que possible ; et d’autre part nous avons des exemples d’animaux et de plantes qui, quoique exposés à des conditions fort différentes, tant à l’état de nature qu’à l’état domestique, ont varié presque de la même manière. M. Layard me dit avoir remarqué chez les Cafres de l’Afrique méridionale, un chien très-semblable au chien Esquimau. Dans l’Inde, les pigeons offrent presque la même diversité de couleurs que ceux d’Europe, et j’ai vu des pigeons tachetés ou simplement barrés, venant de Sierra-Leone, de Madère, d’Angleterre et de l’Inde. On produit constamment, dans différentes parties de la Grande-Bretagne, de nouvelles variétés de fleurs, mais dont plusieurs sont quelquefois reconnues par les juges de concours comme à peu près identiques à d’anciennes variétés. On a produit dans l’Amérique du Nord un grand nombre d’arbres fruitiers et de végétaux culinaires nouveaux, qui diffèrent des variétés européennes de la même manière générale que celles-ci le font entre elles, et jamais on n’a prétendu que le climat d’Amérique ait donné aux variétés nombreuses qui croissent dans ce pays aucun caractère général qui permette de les reconnaître. Néanmoins, d’après les faits signalés précédemment par M. Meehan au sujet des arbres forestiers européens et américains, il serait téméraire