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ACTION DÉFINIE

dier la distribution des maladies sans être frappé des minimes différences dans les conditions ambiantes qui peuvent régir la nature et la gravité des maladies qui affectent au moins temporairement l’homme.


Les modifications dont nous venons de parler, très-légères d’ailleurs, paraissent, autant que nous en pouvons juger, avoir été, dans la plupart des cas, causées par des changements de conditions également peu prononcés. Mais pouvons-nous sûrement affirmer que de pareils changements dans les conditions, agissant pendant une longue série de générations, ne produiront pas un effet marqué ? On admet ordinairement que la population des États-Unis diffère par son apparence de sa souche, la race anglo-saxonne, et que la sélection n’a pas pu, dans si peu de temps, entrer en jeu. Un bon observateur[1] constate que ses traits caractéristiques principaux sont une absence générale de graisse, un cou mince et allongé, et des cheveux roides et plats. On attribue à la sécheresse de l’atmosphère le changement dans la nature des cheveux. Si on arrêtait actuellement l’immigration aux États-Unis, qui peut affirmer que, dans le cours de deux ou trois milliers d’années, les caractères de l’ensemble de la population ne seraient pas fortement modifiés ?


L’action directe et définie du changement des conditions, par opposition à l’accumulation de variations indéfinies, me paraît si importante, que je tiens à donner encore sur ce sujet un certain ensemble de faits. Chez les plantes un changement considérable dans le climat produit quelquefois des résultats très-marqués. J’ai signalé dans le neuvième chapitre le cas le plus remarquable que je connaisse, relatif à quelques variétés de maïs importées en Allemagne des régions plus chaudes de l’Amérique, et qui se transformèrent dans le cours de deux ou trois générations. J’apprends du Dr Falconer, qu’il a vu une variété anglaise de pommier (Ribston-pippin apple), un chêne himalayen, un prunier et un poirier, tous revêtir dans une région plus chaude de l’Inde, un facies pyramidal ou fastigié ; le fait est d’autant plus intéressant, qu’une espèce tropicale et chinoise de Pyrus possède naturellement ce même mode de croissance. Si dans ce cas, cette modification dans le facies paraît avoir été causée par la grande chaleur, nous avons cependant des cas nombreux d’arbres fastigiés ayant pris naissance dans nos pays tempérés. Dans le Jardin Botanique de Ceylan, le pommier[2] pousse de nombreux jets souterrains, fournissant constamment de petites tiges qui s’élèvent autour de l’arbre. Les variétés du chou qui forment des têtes en Angleterre, cessent de le faire dans les pays tropi-

  1. E. Desor, cité dans Anthropological Review, 1863, p. 180. — De Quatrefages, Unité de l’espèce humaine, 1861, p. 131.
  2. Ceylon, par Sir J. E. Tennent, vol. I, 1859, p. 89.