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DES CONDITIONS EXTÉRIEURES.

organisés sont soumis, mais elles dépendent beaucoup moins de la nature de ces conditions que des lois de croissance ; aussi en ferons-nous dans le chapitre suivant l’objet d’une étude spéciale. Nous connaissons toutefois trop peu les causes et les lois des variations pour pouvoir en faire une bonne classification. L’action directe des conditions extérieures, qu’elle produise des résultats définis ou non, est tout à fait distincte des effets de la sélection naturelle, laquelle, dépendant de la survivance des individus les mieux adaptés aux circonstances variées et compliquées au milieu desquelles ils se trouvent, n’est aucunement en relation avec la cause primaire de leurs modifications de conformation.

Je donnerai d’abord le détail de tous les faits que j’ai pu réunir, et qui rendent probable que le climat, la nourriture, etc., ont agi d’une manière assez énergique et définie sur l’organisation de nos produits domestiques, pour former de nouvelles sous-variétés ou races, sans le secours d’aucune sélection naturelle ou humaine. Je présenterai ensuite les faits et considérations contraires à cette conclusion, et enfin nous aurons à peser et à apprécier la valeur des arguments qui étayent l’une et l’autre opinion.

Lorsque nous remarquons qu’il existe dans chaque pays de l’Europe, et qu’on rencontrait même autrefois dans chaque district d’Angleterre, des races distinctes de presque tous nos animaux domestiques, nous sommes fortement portés à attribuer leur origine à l’action définie des conditions physiques de chaque pays, et telle a été, en effet, la conclusion de beaucoup d’auteurs. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’homme a annuellement à faire un choix des animaux qu’il réserve pour la reproduction, et de ceux qu’il destine à être abattus. Nous avons vu qu’autrefois les sélections méthodique et inconsciente ont été pratiquées et le sont encore occasionnellement par les hommes même les plus barbares, à un point qu’on n’aurait pas soupçonné. Il est donc fort difficile d’apprécier jusqu’à quel point les différences dans les conditions extérieures, entre les divers districts de l’Angleterre, par exemple, auraient pu suffire pour modifier, sans le secours de la sélection, les races qui y ont été élevées. On pourrait objecter qu’un grand nombre d’animaux et de plantes sauvages, ayant erré pendant des siècles dans toute l’étendue de la Grande-