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CAUSES

Sur le mode et la période d’action des causes qui déterminent la variabilité. — Ce sujet est fort obscur, mais nous n’avons besoin ici que de considérer d’abord si les variations héréditaires sont dues à une action directe ou indirecte, exercée sur l’organisation par le système reproducteur, et ensuite à quelle époque de la vie elles sont premièrement causées. Nous verrons dans les deux chapitres suivants que diverses actions, telles qu’une nourriture abondante, une exposition à un climat différent, l’augmentation ou la diminution d’usage des parties, etc. ; prolongées pendant plusieurs générations, modifient certainement ou toute l’organisation, ou certains organes. Cette action directe du changement de conditions a peut-être lieu plus souvent qu’on ne pourrait le prouver, mais il est du moins bien évident que, dans tous les cas de variations par bourgeons, cette action ne peut pas s’être produite par l’intermédiaire du système reproducteur.


Quant à la part que peut prendre le système reproducteur comme causant la variabilité, nous avons constaté, dans le dix-huitième chapitre, que même de très-légers changements dans les conditions extérieures suffisent pour déterminer un plus ou moins haut degré de stérilité. Il ne serait donc pas improbable que des êtres engendrés par un système si facilement affecté ne dussent l’être eux-mêmes, et ne pas hériter, ou hériter en excès, des caractères propres à leurs parents. Nous savons que certains groupes d’êtres organisés, avec des exceptions dans chacun, ont leur système reproducteur affecté beaucoup plus facilement que d’autres par un changement dans les conditions extérieures ; ainsi les oiseaux de proie l’ont plus que les mammifères carnassiers, et les perroquets plus que les pigeons ; et ce fait concorde avec la manière capricieuse en apparence dont divers groupes d’animaux et de plantes varient sous l’influence de la domestication.

Kölreuter[1] avait déjà été frappé du parallélisme qui se remarque entre l’excessive variabilité des hybrides croisés et recroisés de diverses manières, — ces hybrides ayant leurs facultés reproductrices plus ou moins affectées, — et la variabilité des plantes anciennement cultivées. Max Wichura[2], faisant un pas de plus, montre que chez un grand nombre de nos plantes très-améliorées par la culture, comme les jacinthes, tulipes, auricules, mufliers, pommes de terre, choux, etc., chez lesquelles on n’a pas pratiqué l’hybridisation, les anthères contiennent beaucoup de grains de pollen irréguliers, comme les hybrides. Il trouve aussi, dans certaines formes sauvages, la même coïncidence entre l’état du pollen et un haut

  1. Dritte Fortsetzung, etc, 1766, p. 85.
  2. O. C., p. 92. — Voir sur le même sujet, Rev. M. J. Berkeley, Journ. of Roy. Hort. Soc., 1866, p. 80.