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SÉLECTION.

dition d’un grand nombre de légères modifications successives, accumulées pendant un long laps de temps, ni à l’existence antérieure d’une foule de variétés reliant comme les anneaux d’une chaîne les différentes lignes divergentes de descendance. Il conclut que toutes les races principales, dont il s’est occupé depuis longtemps, sont des productions primitives et indépendantes. Le naturaliste systématique qui, par contre, ne sait rien de l’art de l’éleveur, qui ne prétend point savoir ni comment ni quand les diverses races domestiques se sont formées, et qui n’a pas vu les degrés intermédiaires, parce qu’ils n’existent plus, ne met cependant pas en doute que ces races ne descendent d’une source primitive unique. Mais demandez-lui si les espèces naturelles voisines qu’il a si bien étudiées ne pourraient pas aussi être provenues d’un ancêtre commun, c’est lui qui à son tour peut-être repoussera la supposition avec indignation. Le naturaliste et l’éleveur peuvent ainsi mutuellement se donner une utile leçon.

Résumé de la sélection par l’homme. — On ne peut mettre en doute que la sélection méthodique n’ait produit et ne produise encore des effets étonnants. Elle a été occasionnellement pratiquée dans les anciens temps, et l’est encore par des peuples à demi civilisés. On s’est attaché tantôt à des caractères d’une haute importance, tantôt insignifiants, et on les a modifiés. Il est inutile de revenir encore sur le rôle qu’a joué la sélection inconsciente ; son action se montre dans les différences entre les troupeaux qui ont été élevés séparément ; dans les changements lents éprouvés par les animaux dans une même localité, à mesure que les circonstances se sont peu à peu modifiées ; et dans les animaux transportés dans d’autres pays. Les effets combinés des sélections méthodique et inconsciente sont démontrés par l’étendue des différences qui existent entre les diverses variétés, sur les points qui pour l’homme ont le plus de valeur, comparés à ceux qui n’en ont pas, et que, par conséquent, il a laissés de côté. La sélection naturelle détermine souvent la puissance de celle de l’homme. Nous avons quelquefois tort de supposer que des caractères qui paraissent insignifiants au naturaliste systématique ne puissent jouer un rôle dans la lutte pour l’existence, et par conséquent ne pas se trouver affectés par la sélection naturelle ; nous