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CIRCONSTANCES FAVORABLES.

nille, qui fut cultivée par les Mexicains primitifs, n’ont fourni de races, car il serait impossible d’apparier une reine abeille avec un mâle donné, et fort difficile d’apparier des cochenilles. On a, d’autre part, soumis les bombyx du ver à soie à une sélection rigoureuse, aussi en a-t-on obtenu des races nombreuses. Nous avons déjà remarqué que les chats, auxquels on ne peut appliquer aucune sélection, par suite de leurs habitudes vagabondes et nocturnes qui empêchent de les apparier à volonté, n’ont pas fourni de races dans un même pays. En Angleterre, l’âne varie beaucoup par sa taille et sa coloration ; mais comme c’est un animal de peu de valeur, qui n’est élevé que par des gens pauvres, il n’a été l’objet d’aucune sélection, et par conséquent n’a pas donné de races distinctes. L’infériorité de nos ânes ne doit pas être attribuée au climat, car dans l’Inde ils sont même encore plus petits qu’en Europe. Mais tout change lorsqu’on applique la sélection à cet animal. Près de Cordoue, à ce que m’apprend M. W. E.-Webb (Févr. 1860), où on les élève avec beaucoup de soins, ils ont été considérablement améliorés, et un âne étalon a atteint le prix de 200 l. st. (5,000 francs). Dans le Kentucky on a importé d’Espagne, de Malte et de France, des ânes destinés à produire des mulets, et qui avaient en moyenne quatorze mains (1m,42) de hauteur. Avec des soins les Kentuckiens sont arrivés à augmenter leur taille jusqu’à quinze et quelquefois même jusqu’à seize mains (1m,62). Les prix qu’ont atteint ces beaux animaux montrent combien ils sont appréciés. Un mâle célèbre s’est vendu au-dessus de mille livres sterling. On envoie ces ânes de choix dans les concours de bétail, où un jour spécial est consacré à leur exposition[1].

On a observé des faits analogues chez les plantes. Dans l’archipel Malais, le muscadier est extrêmement variable ; mais, faute de sélection, il n’en existe pas de races distinctes[2]. Le réséda commun (Reseda odorata), dont les fleurs sans apparence n’ont de valeur qu’à cause de leur parfum, est resté dans le même état que lorsqu’il fut introduit[3]. Nos arbres forestiers sont très-variables, comme on peut le vérifier dans

  1. Cap. Marryat, cité Journ. Asiatic Soc. of Bengal, vol. XXVIII, p. 229.
  2. M. Oxley, Journ. of the Indian Archipelago, vol. II, 1848. p. 645.
  3. M. Abbey, Journ. of Horticulture, Déc. 1863, p. 430.