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SÉLECTION.

ler complétement de tous ses bourgeons, et en deux jours, un gros prunier ; on a constaté qu’ils se portent surtout sur certaines variétés[1] de pommiers et d’épines (Cratægus oxyacantha). M. Rivers signale un exemple frappant de ce genre de préférence qu’il a observé dans son jardin, dans lequel se trouvaient deux rangées d’une variété de pruniers[2] qu’il était obligé de protéger avec beaucoup de soins, parce qu’ils étaient pendant l’hiver toujours dépouillés de tous leurs bourgeons, tandis que les autres variétés qui croissaient dans leur voisinage étaient épargnées. Les racines (ou élargissements de la tige) du navet de Suède de Laing sont plus exposées à la destruction que les autres variétés, à cause de la préférence qu’ont pour elles les lièvres ; ces animaux, ainsi que les lapins, dévorent aussi le seigle ordinaire avant celui de la Saint-Jean, lorsque les deux variétés croissent ensemble[3]. Dans le midi de la France, lorsqu’on veut établir un verger d’amandiers, on sème les graines de la variété amère pour qu’elles ne soient pas mangées par les mulots[4] ; ce qui est un exemple de l’utilité du principe amer de l’amande.

Il est d’autres différences légères qu’on pourrait croire être sans aucune importance, et qui sont néanmoins avantageuses pour les animaux et les plantes. Le groseillier de Whitesmith, dont nous avons déjà parlé, pousse ses feuilles plus tard que les autres variétés, et il en résulte que les fleurs n’étant pas protégées, le fruit avorte souvent. D’après M. Rivers[5], dans une variété de cerisier dont les pétales de la fleur sont recourbés en dehors, les stigmates sont fréquemment détruits par le gel ; chez une autre variété, par contre, le gel reste sans action sur le stigmate, parce que les pétales de ses fleurs sont incurvés en dedans. La paille du froment Fenton est remarquable par sa hauteur inégale, fait auquel un observateur compétent attribue le grand rendement de cette variété, parce que ses épis, étant répartis à diverses hauteurs au-dessus du sol, se trouvent moins serrés les uns contre les autres. Le même auteur affirme

  1. M. Selby, Magaz. of Zoology and Botany, Edinburgh, vol. II, 1838, p. 393.
  2. La reine Claude de Bavay, Journ. of Horticulture, 27 Déc. 1864, p. 511.
  3. M. Pusey, Journ. of Roy. Agric. Soc., vol. VI, p. 179. — Pour le navet de Suède, voir Gardener’s Chronicle, 1847, p. 91.
  4. Godron, O. C. t. II, 98.
  5. Gard. Chronicle, 1866, p. 732.