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NATURELLE.

qui ne sont pas noirs. De là, l’obligation pour les colons de n’élever que les individus noirs de la portée, parce qu’ils ont seuls la chance de vivre. Nous avons là un exemple de sélection artificielle et naturelle agissant ensemble. Dans le Tarentin, les habitants n’élèvent que des moutons noirs, parce que l’Hypericum crispum qui y est abondant, et qui tue les moutons blancs au bout d’une quinzaine de jours, n’exerce aucune action sur les noirs[1].

La couleur et la tendance à certaines maladies paraissent être liées mutuellement chez l’homme et quelques animaux. Ainsi les terriers blancs sont plus sujets à la maladie des chiens que les terriers d’aucune autre couleur[2]. Dans l’Amérique du Nord, les pruniers sont fréquemment atteints d’un mal que Downing[3] ne croit pas être causé par des insectes ; les variétés à fruits pourpres y sont les plus sujettes, et les variétés à fruits verts ou jaunes ne sont jamais attaquées avant que les autres se trouvent couvertes de nodosités. D’un autre côté, les pêches dans l’Amérique du Nord sont affectées d’un mal appelé yellows (jaunisse), qui paraît être spécial à ce continent, et qui, lorsqu’il apparut pour la première fois, sévit surtout sur les fruits à pulpe jaune, dont les neuf dixièmes furent atteints. Les variétés à pulpe blanche sont très-rarement affectées, et jamais dans certaines parties du pays. À l’île Maurice, les cannes à sucre blanches ont été depuis quelques années si fortement atteintes d’une maladie, qu’un grand nombre de planteurs ont dû renoncer à exploiter cette variété (bien qu’on eût importé de nouvelles plantes de Chine pour essai), et ne cultivent plus que la canne rouge[4]. Or, si ces plantes eussent eu à lutter avec d’autres plantes rivales, il n’est pas douteux que leur existence n’eût rigoureusement dépendu de la coloration de la chair ou de la peau de leur fruit, si peu importants que ces caractères puissent d’ailleurs paraître.

La couleur paraît aussi être en corrélation avec la disposition à être attaqué par les parasites. Les poussins blancs sont beaucoup plus que ceux de couleurs foncées sujets à

  1. Dr Heusinger, Wochenschift für die Heilkunde, Berlin, 1846, p. 279.
  2. Youatt, On the Dog, p. 232.
  3. The Fruit-trees of America, 1845, p. 270 ; pêchers, p. 466.
  4. Proc. Roy. Soc. of Arts and Sciences of Mauritius, 1852, p. 135.