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SÉLECTION.

recherchées chez le chameau et le chien, aussi trouvons-nous dans la première espèce, le dromadaire et le chameau pesant ; et dans la seconde, le lévrier et le dogue. On recherche enfin encore plus, chez le chien, la finesse des sens et certaines facultés mentales, et chacun sait combien les races diffèrent entre elles sous ces rapports. Dans les pays où, par contre, comme dans les îles Polynésiennes et en Chine, le chien n’a d’autre utilité que de servir de nourriture, on le signale comme étant un animal fort stupide[1]. Blumenbach a déjà remarqué que certains chiens, tels que le basset, ont une conformation si remarquablement appropriée à certaines exigences, que, dit-il, « je ne puis me persuader que cette structure bizarre puisse n’être que la conséquence accidentelle d’une dégénération[2]. » Si Blumenbach avait songé au grand principe de la sélection, il n’aurait pas prononcé le mot de dégénération, et il n’aurait pas été étonné que les chiens et autres animaux se soient si complètement adaptés au service de l’homme.

Nous pouvons conclure, en somme, que toutes les parties ou caractères qui sont les plus recherchés, — qu’il s’agisse des feuilles, tiges, tubercules, bulbes, fleurs, fruits ou graines chez les plantes ; ou de la taille, force, agilité, pelage ou intelligence chez les animaux, — se trouveront invariablement être ceux qui présenteront les plus grandes différences quant à la nature et au degré. Ce résultat est évidemment attribuable à ce que l’homme a, pendant une longue suite de générations, conservé les variations qui lui étaient utiles, et négligé les autres.

Je terminerai ce chapitre par quelques remarques sur un sujet important. Chez les animaux comme la girafe, dont toute la conformation est si admirablement adaptée à certains besoins, on a supposé que toutes ses parties ont dû être simultanément modifiées, et on a objecté que cela était impossible d’après la sélection naturelle. Mais en raisonnant ainsi, on a tacitement admis que les variations ont dû être très-grandes et brusques. Si le cou d’un ruminant venait à s’allonger considérablement et subitement, il n’est pas douteux que ses membres antérieurs et son dos devraient nécessairement et

  1. Godron, O. C., t. II, p. 27.
  2. The Anthropological Treatises of Blumenbach, 1865, p. 292.