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SÉLECTION.

comparent les fleurs actuelles avec celles figurées dans les livres publiés il n’y a pas bien longtemps, sont étonnés du changement. Un amateur[1] rappelle, au sujet des variétés de Pélargoniums produites par M. Garth vingt-deux ans auparavant, combien elles avaient fait fureur ; elles paraissaient alors être l’extrême perfection, et aujourd’hui on ne daignerait pas les honorer d’un regard ; on n’en doit pas moins de la reconnaissance à ceux qui ont vu ce qu’on pouvait faire, et l’ont fait. M. Paul[2], horticulteur, remarque à propos de cette plante, dont les figures, dans l’ouvrage de Sweet, l’avaient tellement charmé dans sa jeunesse, qu’elles ne sont cependant comparables en rien aux Pélargoniums actuels. Ici encore la nature n’a pas avancé par sauts ; l’amélioration a été graduelle, et si on avait négligé ces pas progressifs, les beaux résultats actuels n’auraient pas été obtenus. Le Dahlia s’est amélioré d’une manière semblable, suivant une direction imprimée par la mode, et par une série de modifications lentes et successives[3]. Des changements graduels et continus ont été signalés dans beaucoup d’autres fleurs ; ainsi, un ancien fleuriste[4], après avoir décrit les principales variétés des œillets cultivés en 1813, ajoute : « c’est à peine si on daignerait aujourd’hui employer les œillets d’alors pour garnir des bordures ». L’amélioration de tant de fleurs, et le nombre de variétés qui ont été produites, sont des faits d’autant plus frappants, que le plus ancien jardin à fleurs d’Europe connu, celui de Padoue, ne remonte qu’à l’an 1545[5].

Effets de la sélection, manifestés par le fait que les parties les plus estimées par l’homme sont celles qui présentent les plus grandes différences. — L’influence d’une sélection prolongée, méthodique ou inconsciente, est très-apparente, si on compare les différences existant entre les variétés d’espèces distinctes, qu’on recherche pour certaines particularités, dans les feuilles, les tiges, tubercules, graines, fruits ou fleurs. La partie qui a de la valeur pour l’homme sera toujours celle qui présentera les plus grandes différences. Chez les arbres qu’on cultive pour

  1. Journal of Horticulture, 1862, p. 394.
  2. Gardener’s Chronicle, 1857, p. 85.
  3. M. Wildman, Gardener’s Chronicle, 1843, p. 86.
  4. Journal of Horticulture, 24 Oct. 1865, p. 239.
  5. Prescott, History of Mexico, vol. II, p. 61.