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SÉLECTION

sants d’Angleterre et des Flandres, sans aucune intention de créer un cheval comme celui que nous avons aujourd’hui. Ainsi que Schaaffhausen[1] le fait remarquer, si nous remontons le cours de la période historique, nous voyons dans les statues de l’antiquité grecque des chevaux ne ressemblant ni au cheval de course, ni à celui de trait, et différant de toute race connue.

On peut nettement apprécier les effets de la sélection inconsciente, par les différences que présentent les troupeaux élevés séparément par de bons éleveurs, et provenant de la même souche. Youatt[2] donne un exemple frappant de ce fait, dans les moutons appartenant à MM. Buckley et Burgess, qui ont été conservés purs depuis plus de cinquante ans, et descendent de la souche créée par Bakewell. Il ne peut y avoir aucun doute, sur le fait, que ces deux éleveurs aient jamais dévié du sang pur de la souche originelle de Bakewell, et cependant les différences entre les moutons de ces deux troupeaux sont assez considérables pour qu’ils paraissent appartenir à des variétés différentes. J’ai observé des exemples analogues et très-marqués chez les pigeons ; ainsi une famille de Barbes que j’ai eue en ma possession, descendant de ceux de sir J. Sebright, et une autre provenant d’un autre éleveur, différaient l’une de l’autre d’une manière très-appréciable. Nathusius, — dont la compétence en ces matières est incontestable, — remarque que chez les Courtes-cornes, dont l’apparence est très-uniforme (la coloration exceptée), chaque troupeau porte comme une empreinte du caractère individuel et des goûts de celui qui l’élève, de sorte que les divers troupeaux diffèrent quelque peu les uns des autres[3]. Le bétail Hereford a acquis ses caractères actuels bien marqués vers 1769, à la suite d’une sélection rigoureuse opérée par M. Tomkins[4] ; mais cette race vient récemment de se séparer en deux branches, — dont l’une a la face blanche, et présente encore quelques légères différences sur d’autres points[5] ; mais on n’a aucune raison pour croire que cette séparation, dont l’origine est inconnue, ait

  1. Ueber Beständigkeit der Arten.
  2. On Sheep, p. 315.
  3. Ueber Shorthorn Rindvieh, 1857, p. 51.
  4. Low, Domesticated Animals, 1845, p. 363.
  5. Quarterly Review, 1849, p. 392.