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DE CARACTÈRES INSIGNIFIANTS.

possède. Nous avons vu conserver, dans l’Amérique du Sud, le bétail niata, dont la face courte et les narines retroussées n’ont certainement aucune utilité. Les Damaras de l’Afrique méridionale recherchent chez leur bétail l’uniformité de couleur et un énorme développement des cornes. Les Mongols estiment leurs yaks pour leur queue blanche. Je montrerai maintenant qu’il n’y a pas de particularité chez nos animaux utiles qui, par mode, superstition, ou tout autre motif, n’ait été recherchée, et par conséquent conservée. Pour le bétail, Youatt[1] cite un ancien document, qui parle de cent vaches blanches à oreilles rouges ayant été réclamées comme compensation par les princes du pays de Galles, le chiffre de cent cinquante devait être fourni, si les animaux étaient de couleur foncée ou noire. On s’inquiétait donc dans ce pays de la couleur à une époque antérieure à celle de son annexion à l’Angleterre. Dans l’Afrique centrale, on abat un bœuf qui frappe le sol avec sa queue, et dans le sud, quelques Damaras ne veulent pas manger la chair d’un bœuf tacheté. Les Cafres estiment un animal dont la voix est musicale, et dans une vente qui eut lieu dans la Cafrerie anglaise, le beuglement d’une génisse excita une telle admiration, qu’une foule d’acheteurs se disputèrent sa possession, et elle atteignit un prix considérable[2]. En ce qui concerne les moutons, les Chinois préfèrent les béliers sans cornes ; les Tartares préfèrent ceux qui les ont enroulées en spirale, parce qu’ils croient que les béliers inermes sont moins courageux[3]. Quelques Damaras ne mangent pas la viande de mouton sans cornes. En France, à la fin du xve siècle, les chevaux à manteau liart pommé étaient les plus estimés. Les Arabes ont un proverbe : « N’achète jamais un cheval aux quatre pieds blancs, car il porte son linceul avec lui[4] ; » et comme nous l’avons vu, ils méprisent les chevaux isabelles. Anciennement, Xénophon et d’autres avaient des préjugés contre certaines couleurs chez le chien, et on n’estimait pas les chiens de chasse blancs ou de nuance ardoisée[5].

  1. Cattle, p. 48.
  2. Livingstone, Travels, p. 576. — Andersson, Lake Ngami, 1856, p. 222. — Pour la vente en Cafrerie, Quarterly Review, 1866, p. 139.
  3. Mémoire sur les Chinois (par les jésuites), 1786, t. XI, p. 57.
  4. F. Michel, Des Haras, p. 47, 50.
  5. Col. H. Smith, Dogs, Nat. Library, vol. x, p. 103.