Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
HÉRÉDITÉ.

On a observé des doigts supplémentaires chez les nègres, et dans d’autres races humaines, ainsi que dans quelques animaux inférieurs. Six doigts ont été décrits sur les pattes postérieures du Triton (Salamandra cristata), et de la grenouille. Il faut noter que le Triton à six doigts, quoique adulte, avait conservé quelques-uns de ses caractères larvaires, car il portait encore une portion de son appareil hyoïdien, qui est ordinairement résorbé pendant sa métamorphose. On a observé chez le chien, la transmission de six doigts pendant trois générations ; j’ai entendu parler d’une race de chats sexdigités. Dans plusieurs races de poules, le doigt postérieur est double, et se transmet en général avec constance, comme on le voit dans les croisements des Dorkings avec les rares ordinaires à quatre doigts[1]. Chez les animaux qui ont normalement moins de cinq doigts, le nombre se trouve quelquefois porté à cinq, surtout aux pattes de devant, mais il dépasse rarement ce chiffre, et ce cas est dû au développement d’un doigt déjà existant, mais à un état plus ou moins rudimentaire. Ainsi, dans le chien, qui a ordinairement quatre doigts aux pattes postérieures, il s’en développe, plus ou moins complètement, un cinquième chez les grandes races. On a eu occasion d’observer chez des chevaux, qui ordinairement n’ont qu’un doigt complet, les autres restant rudimentaires, des cas où ces derniers s’étaient développés, et portaient deux ou trois petits sabots distincts ; on a constaté des faits analogues chez les moutons, les chèvres, et les porcs[2].

Un point intéressant, relatif aux doigts surnuméraires, est leur propriété de repousser après amputation. M. White[3] a décrit un enfant âgé de trois ans, dont le pouce était double à partir de la première articulation, il enleva le pouce le plus petit, qui était pourvu d’un ongle, et à son grand étonnement, il repoussa et reproduisit l’ongle. L’enfant fut alors conduit chez un célèbre chirurgien de Londres, qui enleva entièrement et par l’articulation, le pouce nouvellement recrû ; mais il repoussa une seconde fois, en reproduisant encore son ongle. Le Dr Struthers mentionne encore un cas de reproduction partielle d’un pouce additionnel, qui avait été amputé sur un enfant de trois mois ; et le Dr Falconer m’a communiqué un cas analogue, qu’il avait observé lui-même. Je tiens de quelqu’un, qui a le premier attiré mon attention sur ce sujet, les faits suivants arrivés dans sa famille. Lui-même, avec deux frères et une sœur, étaient nés avec un doigt supplémentaire à chaque extrémité. Ses parents n’offraient rien de semblable, et il n’y avait pas dans la famille de tradition qu’aucun de ses membres eût jamais présenté cette particularité. On avait, pendant son enfance, grossièrement enlevé les deux doigts supplémen-

    and Foreign Med. Chir. Review, avril 1863, p. 462. — Sur l’hérédité d’autres anomalies, Dr H. Dobell, Med. Chir. Transact., vol. XLVI, 1863. — Sedgwick, O. C., p. 400. — Pour les doigts additionnels chez le nègre, Prichard, Physical History of Mankind. — Dr Dieffenbach, Journal Royal Geograph. Soc., 1841, p, 208, dit que cette anomalie n’est pas rare chez les Polynésiens des îles Chatham.

  1. Poultry Chronicle, 1854, p. 559.
  2. Isid. Geoff. Saint-Hilaire, Hist. des Anomalies, t. I, p. 688–693.
  3. Cité par Carpenter, Principles of Comp. Physiology, 1854, p. 480.