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HYBRIDITÉ.

tendance, bien que dans certains cas, la stérilité puisse être ainsi occasionnellement provoquée chez des espèces douées d’une constitution particulière. C’est ainsi que nous pouvons, à ce que je crois, comprendre pourquoi, chez les animaux domestiques, il ne s’est pas produit de variétés mutuellement stériles, et pourquoi on n’en connaît, chez les végétaux, qu’un petit nombre d’exemples, observés chez quelques variétés de maïs et de Verbascums, par Gärtner ; de courges et de melons par divers auteurs, et sur une variété de tabac par Kölreuter.

Quant aux variétés qui ont pu prendre naissance à l’état de nature, il n’est guère possible de prouver par démonstration directe qu’elles soient devenues naturellement stériles ; car si on venait à constater chez elles les moindres traces de stérilité, elles seraient immédiatement regardées par les naturalistes comme espèces distinctes. Si, par exemple, l’assertion de Gärtner, que les formes à fleurs bleues et à fleurs rouges de l’Anagallis arvensis sont stériles lorsqu’on les croise, venait à être confirmée, je présume que tous les botanistes qui actuellement, pour différents motifs, regardent ces deux formes comme des variétés flottantes, admettraient aussitôt leur spécificité.

La véritable difficulté du sujet qui nous occupe n’est pas, ce me semble, pourquoi les variétés domestiques ne sont pas devenues mutuellement infertiles lorsqu’elles se croisent, mais pourquoi cela est si souvent arrivé aux variétés naturelles, aussitôt quelles ont été modifiées à un degré permanent suffisant pour prendre rang comme espèces. La cause nous échappe, vu notre ignorance de l’action normale ou anormale du système reproducteur ; mais nous voyons que les espèces, par suite de leur combat pour l’existence contre de nombreux concurrents, doivent avoir été, pendant de longues périodes, exposées à des conditions plus uniformes que les variétés domestiques, ce qui peut bien avoir déterminé de grandes différences dans le résultat. Nous savons combien les animaux et plantes sauvages, enlevés à leurs conditions naturelles et réduits en captivité, deviennent stériles ; de même les fonctions reproductrices d’êtres organisés qui ont toujours vécu dans des conditions naturelles et se sont lentement modifiées sous leur