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HYBRIDITÉ.

nue, ou une quelque relation entre l’infécondité des unions illégitimes et celle de leurs produits, qui existe également entre les premiers croisements et les hybrides ; troisièmement, ce qui me paraît avoir une importance toute spéciale, qu’il existe chez les plantes trimorphes trois formes d’une même espèce, qui sont infécondes lorsqu’on les croise d’une certaine manière, et qui cependant ne diffèrent entre elles sous aucun autre rapport que celui de la conformation de leurs organes reproducteurs, — tels que les longueurs relatives de leurs étamines et pistils, la grosseur, la forme et la couleur de leurs grains de pollen, la structure du stigmate, et le nombre et la grosseur des graines. Avec ces seules différences, et aucune autre dans l’organisation et la constitution, nous voyons que ces unions illégitimes entre les trois formes, ainsi que leurs produits également illégitimes, sont plus ou moins stériles, et ressemblent entièrement, sur tous les points, aux premiers croisements entre des espèces distinctes, et aux hybrides qui en proviennent. Nous pouvons conclure de là que la stérilité qui résulte de ces croisements est, selon toute probabilité, exclusivement due à des différences restreintes au système reproducteur. Nous sommes arrivés à une conclusion semblable par l’observation que la stérilité des espèces croisées ne coïncide pas rigoureusement avec leurs affinités systématiques, c’est-à-dire avec l’ensemble de leurs similitudes externes, ni avec l’analogie de leur constitution générale. Mais ce qui justifie le mieux la même conclusion, est le fait de croisements réciproques, dans lesquels le mâle d’une espèce ne peut être apparié, ou ne peut l’être qu’avec une grande difficulté, avec la femelle d’une seconde espèce ; tandis que l’union inverse s’opère très-facilement ; car cette différence dans la facilité à obtenir des croisements réciproques, et dans la fécondité des produits, doit être attribuée à ce que dans la première espèce l’élément mâle ou femelle a dû être différencié à un degré plus prononcé que dans le cas inverse, relativement à l’élément sexuel de la seconde espèce. Dans un sujet aussi compliqué que celui de l’hybridité, il est fort important de pouvoir ainsi arriver à une conclusion définitive, que la stérilité, qui suit presque invariablement l’union d’espèces distinctes, dépend exclusivement de différences dans leur constitution sexuelle.