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STÉRILITÉ.

cités, par exemple quelques espèces de mousses et lichens qui ne fructifient pas en France.

La stérilité de quelques-unes de ces plantes indigènes ou naturalisées est probablement causée par leur multiplication excessive par bourgeons, et par l’incapacité à produire et nourrir la graine qui en est la conséquence. Mais pour d’autres, l’infertilité doit plus probablement tenir aux conditions particulières dans lesquelles elles se trouvent, comme le cas du lierre dans le nord de l’Europe, et des arbres dans les marais des États-Unis ; et cependant il faut que ces plantes soient, à certains égards, bien adaptées aux stations qu’elles occupent, car elles ont à lutter et à maintenir leur place contre une foule de concurrents.


Finalement, si nous réfléchissons à la stérilité qui accompagne les fleurs doubles, — au développement excessif des fruits, — et à l’accroissement considérable des organes de la végétation, nous devons nous rappeler que tous ces effets ont dû rarement avoir été déterminés tous à la fois. Une tendance naissante une fois constatée, la sélection continue et achève l’œuvre, comme cela a eu lieu pour les fleurs doubles et les beaux fruits. L’opinion qui paraît la plus probable et qui, en reliant entre eux les faits qui précèdent, permet de les faire rentrer dans notre sujet actuel, est celle que les conditions extérieures artificielles et modifiées déterminent d’abord une tendance à la stérilité, en conséquence de laquelle les organes de la reproduction n’étant plus aptes à remplir complétement leurs fonctions propres, une provision de matière organisée, non employée pour le développement de la graine, devient disponible et se porte, soit dans ces mêmes organes pour les rendre foliacés, soit dans le fruit, les tiges, tubercules, etc., dont elle augmente ainsi la grosseur et la succulence. Néanmoins je ne veux point par là nier qu’il ne puisse, indépendamment de toute stérilité naissante, exister un antagonisme entre les deux formes de la reproduction, celle par graines et celle par bourgeons, lorsqu’elles sont l’une ou l’autre poussées à l’extrême. Mais je conclus d’un certain nombre de faits qui suivent, que la stérilité commençante joue un rôle important dans la production des fleurs doubles et dans les autres cas précités. Lorsque la fertilité se perd pour une cause différente, notamment par

    1852, p. 129. Cet auteur cite d’autres cas analogues. Sur la non-production du pollen dans cette Renoncule, voir Chatin, Comptes rendus, 11 Juin 1866.