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MONSTRUOSITÉS, CAUSES DE STÉRILITÉ.

stérilité frappe les organes femelles, les mâles restant intacts. Le Dianthus Japonicus, une Passiflora et une Nicotiana ont été décrits par Gärtner[1] comme étant dans cet état inusité.

Des monstruosités comme causes de stérilité. — De grandes déviations de conformation sont quelquefois la cause de stérilité chez les plantes, lors même que les organes reproducteurs ne sont pas eux-mêmes sérieusement affectés. Mais, dans d’autres cas, on voit des plantes monstrueuses au plus haut degré, sans que leur fertilité s’en ressente aucunement. Gallesio[2], qui était certainement expert dans la matière, attribue souvent la stérilité à cette cause, mais on peut soupçonner que, dans quelques-uns des cas qu’il signale, la stérilité était non la cause, mais le résultat de l’état monstrueux. Le pommier de Saint-Valéry, quoique portant des fruits, produit rarement de la graine. Les fleurs anormales du Begonia frigida, que nous avons précédemment décrites, sont stériles, quoique paraissant tout à fait aptes à la fructification[3]. On dit que les espèces de Primula, dont le calice est brillamment coloré, sont souvent stériles[4], bien que j’en aie observé qui ne l’étaient pas. Verlot donne d’autre part plusieurs cas de fleurs prolifères aptes à être propagées par graines ; entre autres le cas d’un pavot qui était devenu monopétale par l’union de ses pétales[5]. Un autre pavot extraordinaire, dont les étamines étaient remplacées par de nombreuses petites capsules supplémentaires, s’était également reproduit par graine. Le même fait s’est présenté dans une plante de Saxifraga geum, chez laquelle il s’était développé, entre les étamines et les carpelles normaux, une série de carpelles adventifs, portant des ovules sur leurs bords[6]. Enfin, pour ce qui concerne les fleurs péloriques, qui s’écartent considérablement de la conformation naturelle, — celles du Linaria vulgaris paraissent être généralement plus ou moins stériles, tandis que celles de l’Antirrhinum majus, fécondées artificiellement par leur propre pollen, sont tout à fait fertiles, quoique stériles lorsqu’on les laisse à elles-mêmes, les abeilles ne pouvant s’introduire dans leur étroite fleur tubulaire. Les fleurs péloriques de Corydalis solida, sont stériles, d’après Godron[7] ; tandis que celles de Gloxinia donnent de la graine en abondance. Dans nos Pelargoniums de serre, la fleur centrale de la touffe est souvent pélorique, et M. Masters a, pendant plusieurs années, essayé en vain d’en obtenir de la graine. J’ai également fait de nombreuses tentatives vaines, mais j’ai cependant réussi à en féconder par du pollen d’une fleur normale d’une autre variété ; j’ai aussi plusieurs fois fait l’opération inverse, en fécondant des fleurs ordinaires par du pollen pélorique. Je n’ai réussi qu’une fois à obtenir une plante provenant d’une fleur pélorique fécondée

  1. Bastarderzeugung, p. 356.
  2. Teoria della Riproduzione, 1816, p. 84. — Traité du Citrus, 1811, p. 67.
  3. C. W. Crocker, Gard. Chronicle, 1861, p. 1092.
  4. Verlot, des Variétés, 1865, p. 80.
  5. Id., ibid., p. 38.
  6. Prof. Allman, cité dans Phytologist, vol. II, p. 483. Je tiens du professeur Harvey, sur l’autorité de M. Andrews, qui a découvert la plante, que cette monstruosité se propage par graines. — Prof. Gœppert, Journal of Horticuture, 1er  Juillet 1863, p. 171.
  7. Comptes rendus, 19 Déc. 1864 p. 1039.