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COMME CAUSANT LA STÉRILITÉ.

Linné a déjà observé[1] que les plantes alpestres, quoique naturellement chargées de graines, n’en produisent que peu ou point lorsqu’on les cultive dans les jardins. Mais on rencontre des exceptions : la Draba sylvestris, plante essentiellement alpine, se multiplie par graine dans le jardin de M. H.-C. Watson près de Londres, et Kerner, qui s’est occupé de la culture de plantes alpestres, a trouvé que plusieurs d’entre elles, cultivées, se ressèment spontanément d’elles-mêmes[2]. Des plantes qui croissent naturellement dans les terrains tourbeux sont tout à fait stériles dans nos jardins. J’ai observé le même fait sur quelques liliacées, qui croissent cependant vigoureusement.

Un excès d’engrais rend quelques plantes complétement stériles ; la tendance à la stérilité due à cette cause varie suivant les familles, car, d’après Gärtner[3], tandis qu’il est presque impossible de donner trop d’engrais aux Graminées, aux Crucifères et aux Légumineuses, les plantes succulentes et à racines bulbeuses en sont très-aisément affectées. Une grande pauvreté de sol est moins apte à déterminer la stérilité ; mais des plantes naines de Trifolium minus et repens, croissant sur une pelouse souvent fauchée et jamais fumée, n’ont pas donné de graines. La température du sol et l’époque où on arrose les plantes exercent souvent une action marquée sur leur fécondité, comme l’a observé Kölreuter sur les Mirabilis[4]. Au Jardin Botanique d’Édimbourg, M. Scott a observé que l’Oncidium divaricatum croissant dans un panier, où il prospérait, ne donnait pas de graines, mais pouvait être fécondé dans un vase où il était plus à l’humidité. Le Pelargonium fulgidum a donné de la graine pendant plusieurs années après son introduction, puis est devenu stérile ; il est actuellement fertile[5] lorsqu’on le conserve dans une serre tempérée pendant l’hiver. Quelques variétés de Pelargoniums sont, sans cause connue, les unes fécondes, les autres stériles. De très-légers changements dans la position d’une plante, suivant qu’elle est placée sur une élévation ou à sa base, suffisent pour faire toute la différence. La température paraît aussi avoir sur la fertilité des plantes une influence beaucoup plus prononcée que sur celle des animaux. Il est néanmoins étonnant de voir quels changements quelques plantes peuvent supporter sans diminution de leur fécondité ; ainsi la Zephyranthes candida, originaire des rives modérément chaudes de la Plata, se sème dans les régions sèches et chaudes des environs de Lima, et résiste aux gels les plus forts dans le Yorkshire ; et j’ai vu des graines provenant de gousses qui avaient été sous la neige pendant trois semaines[6]. Le Berberis Wallichii, de la chaîne chaude de Khasia dans l’Inde, supporte sans inconvénient nos froids les plus intenses, et mûrit son fruit dans nos étés frais. La stérilité de plusieurs plantes exotiques doit

  1. Swedish Acts, vol. I, 1739, p. 3. — Pallas, Voyages, vol. I, p. 292. (Trad. angl.)
  2. A. Kerner, Die Cultur der Alpenpflanzen, 1864, p. 139. — Watson, Cybele Britannica, vol. I, p. 131. — D. Cameson, Gardener’s Chronicle, 1848, p. 253, 268, mentionne quelques plantes qui grainent.
  3. Beiträge zur Kenntniss der Befruchtung, 1844, p. 333.
  4. Nova Acta Petrop., 1793, p. 391.
  5. Cottage Gardener, 1856, p. 44, 109.
  6. Dr Herbert, Amaryllidacées, p. 176.