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COMME CAUSANT LA STÉRILITÉ.

qui ont éprouvé sous ce rapport de grands changements, se reproduisent cependant librement. Les oiseaux de proie captifs sont très-stériles, tandis que la plupart des mammifères carnassiers, les plantigrades exceptés, sont passablement fertiles. La quantité de nourriture ne peut pas davantage être en cause, car on donne toujours aux animaux de valeur une nourriture suffisante, et pas en plus grande abondance qu’on ne le ferait à nos productions domestiques qui conservent leur fertilité complète. Enfin, nous pouvons inférer des cas de l’éléphant, du guépard, du faucon, et de beaucoup d’autres animaux, auxquels, dans leur pays natal, on accorde une grande liberté, que ce n’est pas non plus le manque d’exercice qui cause la stérilité.

Il semble que tout changement un peu prononcé dans les habitudes, quelles qu’elles puissent être, tende à affecter d’une manière inexplicable le pouvoir reproducteur. Le résultat dépend plus de la constitution de l’espèce que de la nature du changement, car certains groupes entiers sont plus affectés que d’autres : mais il y a toujours des exceptions, et on trouve dans les groupes les plus fertiles, des espèces qui refusent de reproduire, et inversement, dans les groupes les plus stériles, des espèces qui se propagent facilement. Les animaux qui reproduisent en captivité ne le font au Jardin Zoologique, à ce que j’apprends, que rarement avant un ou deux ans après leur importation. Lorsqu’un animal, ordinairement stérile en captivité, vient à reproduire, les jeunes en général n’héritent pas de la même aptitude, car, s’il en eut été ainsi, les mammifères ou oiseaux curieux, qui ont de la valeur et qu’on recherche pour les montrer, seraient devenus communs. Le Dr Broca[1] assure que beaucoup d’animaux du Jardin des Plantes, après avoir produit pendant trois ou quatre générations successives, sont devenus stériles ; mais ceci peut être le résultat d’une reproduction consanguine trop intime. Il est remarquable que beaucoup de mammifères et d’oiseaux ont, en captivité, produit des hybrides aussi et même plus facilement qu’ils n’ont pu propager leur propre espèce. On a cité bien des exemples de ce fait[2], qui nous rappelle ces plantes cultivées qui ne sont pas fécondables par leur propre pollen, mais le sont facilement par

  1. Journal de physiologie, t. II, p. 347.
  2. P. Cuvier, Ann. du Muséum, t. XII, p. 119.