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DES CHANGEMENTS DE CONDITIONS

bien qu’on puisse nommer plus d’une douzaine d’espèces qui ont donné des hybrides avec le canari, il n’y en a aucune, le Fringilla spinus excepté, qui se soit reproduite par elle-même. Le bouvreuil (Loxia pyrrhula) a même, quoique appartenant à un genre distinct, reproduit avec le canari aussi souvent qu’avec sa propre forme[1]. J’ai entendu parler d’alouettes (Alauda arvensis), qui, conservées en cage pendant sept ans, n’ont jamais fait de petits ; ce que m’a confirmé un grand éleveur de petits oiseaux ; on possède cependant un cas de reproduction observé chez cette espèce[2]. Le Rapport des neuf ans de la Société Zoologique énumère vingt-quatre espèces qui n’ont jamais reproduit, et dans quatre desquelles seulement on a observé l’accouplement.

Les perroquets sont des oiseaux qui vivent fort longtemps, et Humboldt mentionne le fait curieux d’un perroquet de l’Amérique du Sud, qui parlait la langue d’une tribu indienne éteinte, et conservait ainsi l’unique reste d’un langage perdu. Nous avons lieu de croire[3] que, même chez nous, cet oiseau peut vivre presque un siècle, et cependant bien qu’on en ait beaucoup observé en Europe, ils reproduisent si rarement qu’on a cru devoir consigner dans les ouvrages les plus sérieux les cas qui ont pu se présenter[4]. D’après Bechstein[5], l’espèce africaine Psittacus erithacus a produit plus souvent qu’aucune autre ; le P. macoa pond occasionnellement des œufs fertiles, mais réussit rarement à les faire éclore ; l’instinct de l’incubation est pourtant si développé chez cet oiseau, qu’on peut lui faire couver des œufs de poule ou de pigeon. Au Jardin Zoologique ainsi qu’à celui de Surrey, quelques perroquets se sont accouplés, mais sans résultat, trois perruches exceptées. D’après Sir R. Schomburgk, les Indiens de la Guyane prennent dans les nids et élèvent un grand nombre de perroquets de deux espèces, qui sont complétement apprivoisés, volent librement dans les maisons et viennent quand on les appelle pour être nourris, comme des pigeons, mais il n’a pas entendu dire qu’ils se soient jamais reproduits[6]. M. Hill[7], naturaliste habitant la Jamaïque, remarque qu’il n’y a pas d’oiseaux qui se soumettent plus facilement à l’homme que les perroquets, et cependant on ne connaît encore chez eux aucun cas de reproduction dans cet état d’apprivoisement. M. Hill énumère encore un certain nombre d’oiseaux apprivoisés aux Indes occidentales, qui ne se reproduisent pas davantage.

La grande famille des pigeons offre un contraste frappant avec les per-

  1. The Zoologist, vol. III, 1843–45, p. 453. — Vol. IIIIV, 1845–46. p. 1075. — Bechstein, O. C., p. 139, parle de bouvreuils comme faisant des nids, main ne produisant que rarement des jeunes.
  2. Yarrell, Hist. Brit. Birds, 1839, vol. I, p. 412.
  3. Loudon’s, Mag. of Nat. Hist., vol. IX, 1836, p. 347.
  4. Mém. du Muséum, t. x, p. 314, donne cinq cas de reproduction observés en France chez des perroquets. Voir aussi Report. Brit. Assoc. Zoolog., 1843.
  5. Stubenvögel, p. 83, 105.
  6. Le Dr Hancock, Charlesworth Mag. of Nat. Hist., vol. II, 1838, p. 492, remarque que, parmi les oiseaux utiles si nombreux dans la Guyane, aucun ne se propage chez les Indiens, bien que la volaille ordinaire soit élevée en abondance dans tout le pays.
  7. A Week at Port Royal, 1855, p. 7.