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COMME CAUSANT LA STÉRILITÉ.

Jardin des Plantes[1], de F. Cuvier, que les animaux s’y reproduisaient autrefois beaucoup moins facilement qu’en Angleterre ; ainsi, dans la famille des canards, qui est très-prolifique, une seule espèce avait jusqu’alors produit des petits.


Les cas les plus remarquables sont ceux d’animaux conservés dans leur pays natal, et qui, quoique bien apprivoisés, en parfaite santé, et même jouissant d’une certaine liberté, sont absolument incapables de reproduire. Rengger[2], qui a particulièrement étudié cette question au Paraguay, signale six mammifères qui sont dans ce cas, et deux ou trois autres qui ne reproduisent que très-rarement. M. Bates, dans son ouvrage sur les Amazones, parle de cas semblables[3], et remarque que le fait de mammifères et d’oiseaux indigènes tout à fait apprivoisés, ne se reproduisant pas chez les Indiens, ne peut pas s’expliquer entièrement par leur indifférence ou leur négligence, car le dindon et les volailles ont été adoptés et sont élevés par plusieurs tribus éloignées. Dans presque toutes les parties du monde, — ainsi dans plusieurs des îles polynésiennes et dans l’intérieur de l’Afrique, — les naturels aiment beaucoup à apprivoiser les mammifères et les oiseaux indigènes, mais il est rare qu’ils réussissent à les faire reproduire.

Le cas le plus connu d’un animal ne reproduisant pas en captivité, est celui de l’éléphant. On garde ces animaux en grand nombre dans les Indes, ils arrivent à un grand âge, et sont assez vigoureux pour pouvoir exécuter les travaux les plus pénibles ; cependant, à une ou deux exceptions près, on n’a pas connaissance qu’ils se soient jamais accouplés, bien que, tant le mâle que la femelle, ils entrent périodiquement en rut. Si toutefois nous allons un peu à l’est d’Ava, nous apprenons par M. Crawfurd[4], que, dans l’état domestique, ou plutôt semi-domestique, où on tient les femelles, elles reproduisent parfaitement bien ; et M. Crawfurd croit qu’il faut attribuer cette différence uniquement au fait qu’on laisse les femelles errer dans les forêts avec quelque liberté. Le rhinocéros captif paraît, d’après l’évêque Heber[5], se reproduire dans l’Inde plus facilement que l’éléphant. Quatre espèces sauvages du genre Equus se sont reproduites en Europe, bien que s’y trouvant exposées à de grands changements dans leurs habitudes naturelles ; mais on a généralement croisé les espèces entre elles. La plupart des membres de la famille des porcs reproduisent bien dans nos ménageries : même le Potamochœrus penicillatus, des plaines suffocantes de l’Afrique occidentale, a reproduit deux fois au Jardin Zoologique. Il en a été de même du Pécari (Dicotyles torquatus) ; mais une autre espèce, le D. labiatus, quoique apprivoisée et presque semi-domes-

  1. Du Rut, Annales du Muséum, 1807, t. IX, p. 120.
  2. Säugethiere von Paraguay, 1830, p. 40, 106, 118, 121, 201, 208, 249, 265, 327.
  3. The Naturalist on the Amazons, 1863, vol. I, p. 99, 193. — Vol. II, p. 113.
  4. Embassy to the Court of Ava, vol. I, p. 534.
  5. Journal, vol. I, p. 213.