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PLANTES IMPUISSANTES PAR ELLES-MÊMES.

d’excellente graine ! Je ne connais dans les plantes aucun cas plus propre que ce dernier à montrer de quelles causes minimes et mystérieuses peuvent dépendre une fécondité complète ou une stérilité absolue.


Les faits que nous venons de donner ont trait à la diminution ou à la disparition complète de la fécondité chez les espèces, lorsqu’elles ont été imprégnées par leur propre pollen, comparée à leur fertilité lorsqu’elles sont au contraire fécondées par du pollen d’individus ou d’espèces distinctes ; des faits de même nature ont été observés chez les hybrides.


Herbert[1] raconte qu’ayant eu en même temps en fleur neuf Hippeastrums hybrides, d’origine complexe, et dérivant de plusieurs espèces, il remarqua que toutes les fleurs touchées par du pollen d’un autre croisement, donneront de la graine en abondance, tandis que celles qui avaient été fécondées par leur propre pollen n’avaient point produit de graines, ou n’avaient fourni que des capsules réduites, et ne contenant que peu de graines. Il ajoute dans le Journal d’Horticulture, que si on féconde une seule fleur par du pollen d’un autre Hippeastrum croisé (quelque compliqué qu’ait été le croisement), on arrête presque certainement la fructification des autres. Dans une lettre de 1839, le Dr Herbert m’apprend qu’il avait déjà essayé ces expériences pendant cinq années consécutives, et qu’il les a répétées depuis avec les mêmes résultats. Il fut alors conduit à tenter des essais analogues sur une espèce pure, l’Hippeastrum aulicum qu’il avait récemment importée du Brésil ; ce bulbe produisit quatre fleurs, dont trois furent fécondées par leur pollen, et la quatrième par du pollen provenant d’un triple croisement entre les H. bulbulosum, reginæ et vittatum ; il en résulta que les ovaires des trois premières fleurs cessèrent de croître, et périrent au bout de quelques jours, tandis que la capsule fécondée par l’hybride fit de rapides progrès vers sa maturation, et donna une graine excellente, qui germa parfaitement.

Comme confirmation de ces faits, M. M. Mayes[2], qui a fait beaucoup d’expériences de croisements d’Amaryllis (Hippeastrum), dit que ni les espèces ni les hybrides ne produisent autant de graine par leur propre pollen que par celui d’une autre plante. M. Bidwell[3], dans la Nouvelle-Galles du Sud, assure que l’Amaryllis belladona, fécondée par le pollen de Brunswigia (Amaryllis de quelques auteurs) Josephinæ ou par celui de B. multiflora, donne beaucoup plus de graines que lorsque la fécondation a été faite par son propre pollen. M. Beaton féconda quatre fleurs de Cyrtanthus avec leur pollen, et quatre avec celui de Vallota (Amaryllis) purpurea : le septième jour, l’accroissement des premières s’arrêta, et elles ne tardèrent pas à périr, les quatre autres croisées avec le Vallota se

  1. Amaryllidaceæ, 1837, p. 371. — Journ. of Hort. Soc., vol. II, 1837, p. 19.
  2. Loudon’s, Gardener’s Magaz., vol. XI, 1835, p. 260.
  3. Gardener’s Chronicle, 1850, p. 470.