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AVANTAGES DU CROISEMENT.

croisement tend incontestablement par lui-même à augmenter ou à rétablir la fécondité des hybrides.


De certaines plantes hermaphrodites, qui normalement ou anormalement, ne peuvent être fécondées que par le pollen d’un individu ou d’une espèce distincts. — Les faits dont nous allons parler diffèrent des précédents en ce que la stérilité qui paraît affecter la plante fécondée par elle-même, ne résulte pas des effets d’unions consanguines prolongées. Ils se rattachent cependant à notre sujet actuel, en ce que, dans les cas où ils se présentent, un croisement avec un individu distinct est également nécessaire ou avantageux. Les plantes dimorphes ou trimorphes, bien qu’hermaphrodites, doivent être réciproquement croisées, une série de formes par l’autre, pour être tout à fait fécondes, et même, dans quelques cas, pour l’être un peu. Les cas suivants sont donnés par le Dr Hildebrand[1].


La Primula sinensis est une espèce réciproquement dimorphe ; le Dr Hildebrand, ayant fécondé vingt-huit fleurs de chaque forme, chacune par du pollen de l’autre, obtint le nombre complet de capsules, contenant en moyenne 42,7 de graines, fécondité entière et normale. Quarante-deux fleurs de chaque forme, fécondées par du pollen de la même forme mais pris sur une plante distincte, produisirent toutes des capsules ne contenant en moyenne que 19,6 de graines. Enfin, ayant fécondé quarante-huit fleurs des deux formes par leur propre pollen, il n’obtint que trente-deux capsules, qui ne renfermaient qu’une moyenne de 18,6 de graines, soit une de moins par capsule que dans le cas précédent. De sorte que dans ces unions la fécondation est moins assurée, et la fertilité moindre lorsque les ovules et le pollen appartiennent à la même fleur, que lorsqu’ils proviennent de deux individus distincts de la même forme. Le Dr Hildebrand a récemment entrepris sur la forme à long style de l’Oxalis rosea des expériences analogues, qui lui ont donné les mêmes résultats[2].


On a récemment découvert que certaines plantes, croissant dans leur pays natal et dans leurs conditions naturelles, ne peuvent être fécondées par le pollen de la même plante. Elles sont parfois si complètement impuissantes par elles-mêmes, que, bien qu’elles puissent être facilement fécondées par le pollen d’une espèce distincte, et même par celui d’un genre

  1. Botanische Zeitung, Janv. 1864, p. 3.
  2. Monatsbericht Akad. Wissenschaft Berlin, 1866, p. 372.