Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
INCONVÉNIENTS DE LA REPRODUCTION, ETC.

demi. Les plantes croisées fleurirent un peu avant, mais beaucoup plus abondamment que les plantes fécondées par elles-mêmes. Je semai un grand nombre de graines des deux catégories dans un autre petit vase, pour réaliser les conditions de la lutte pour l’existence, et là encore, les plantes croisées eurent l’avantage ; et, bien qu’elles n’atteignirent pas tout à fait le sommet de la tige de sept pieds, leur hauteur moyenne fut à celle des plantes provenant des graines fécondées par elles-mêmes, dans le rapport de 7 à 5.2. L’expérience, répétée pendant deux générations, avec des plantes provenant des précédentes, et traitées de la même manière, donna à peu près les mêmes résultats. À la seconde génération, les plantes croisées, recroisées une seconde fois, produisirent 121 capsules de graines, tandis que les plantes fécondées par elles-mêmes n’en donnèrent que 84.

Quelques fleurs de Mimulus luteus furent fécondées par leur propre pollen, et d’autres par du pollen de plantes distinctes croissant dans le même vase. Les graines après germination furent plantées dans le même vase vis-à-vis les unes des autres. Les jeunes plantes furent d’abord de hauteur égale, mais les plantes croisées atteignirent un demi-pouce de hauteur, que les autres n’avaient encore qu’un quart de pouce. Cette inégalité ne se maintint pas, et les hauteurs, qui furent plus tard de quatre pouces et demi pour les premières et de trois pour les secondes, conservèrent ensuite le même rapport jusqu’à leur accroissement complet. Les plantes croisées furent beaucoup plus vigoureuses que les autres, fleurirent plus tôt et produisirent plus de fleurs, lesquelles donnèrent des capsules contenant plus de graines. Les mêmes essais, répétés pendant les deux générations suivantes, donnèrent les mêmes résultats. Si je n’avais suivi attentivement, pendant toute leur croissance, ces plantes de Mimulus et Ipomœa, je n’aurais jamais cru qu’il fût possible qu’un fait aussi insignifiant que l’emploi d’un pollen pris sur une autre plante, au lieu de celui de la fleur même, pût déterminer dans l’accroissement et la vigueur des produits une différence aussi étonnante. Ce phénomène est, au point de vue physiologique, des plus remarquables.

On a publié un grand nombre de documents sur les avantages du croisement de variétés distinctes. Sageret[1] insiste sur la vigueur des melons qu’on obtient du croisement de diverses variétés, et ajoute qu’ils sont plus aisément fécondés que les melons ordinaires, et produisent de la bonne graine en abondance. Voici, sur le même sujet, les paroles d’un horticulteur anglais : « J’ai, cette année, beaucoup mieux réussi dans ma culture de melons, sans protection, provenant de graines d’hybrides, obtenus par des fécondations croisées, qu’avec les anciennes variétés. Les produits de trois hybridisations différentes, et surtout ceux provenant des deux variétés les plus différentes que j’aie pu trouver, ont tous été beaucoup plus grands et plus fins qu’aucune des vingt ou trente variétés déjà connues[2]. »

A. Knight[3] a reconnu chez les plantes venues de croisement entre

  1. Mémoire sur les Cucurbitacées, p. 28, 30, 36.
  2. Loudon’s, Gard. Magaz., vol. VIII, 1832, p. 52.
  3. Transact. Hort. Soc., vol. I, p. 25.