Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
DE LA REPRODUCTION CONSANGUINE.

doit être également de un sur cinq. Les taureaux se livrent des combats furieux, de sorte qu’il doit en résulter une stricte sélection des mâles les plus vigoureux. J’ai eu, par M. D. Gardner, l’agent du duc de Hamilton, les renseignements suivants sur le bétail sauvage qui est conservé dans le parc de Lanarkshire, occupant une superficie d’environ 200 acres. Les bêtes varient de soixante-cinq à quatre-vingts pour le nombre ; le chiffre de leur mortalité annuelle est de huit à dix, de sorte que le taux des naissances ne doit être que de un sur six. Dans l’Amérique du Sud, où les troupeaux sont à demi sauvages et offrent par conséquent un assez bon terme de comparaison, l’accroissement naturel du bétail est, d’après Azara, d’environ un tiers à un quart du nombre total des bêtes d’une estancia, ou de un sur trois ou quatre, ce qui ne s’applique sans doute qu’aux animaux adultes, propres à la consommation. Le bétail des parcs d’Angleterre, chez lequel la reproduction consanguine a longtemps eu lieu dans les limites d’un même troupeau, est donc, relativement, passablement moins fertile. Et quoique, dans un pays ouvert comme le Paraguay, il doive se faire de temps en temps quelques croisements entre les divers troupeaux, les habitants croient cependant à la nécessité de l’introduction occasionnelle d’animaux provenant d’une autre localité, pour empêcher la dégénérescence et une diminution dans la fécondité[1]. Il doit y avoir eu dans le bétail des parcs de Chillingham et de Hamilton, une diminution considérable dans la taille, depuis les temps anciens, puisque le professeur Rütimeyer a montré qu’il descend presque certainement du gigantesque Bos primigenius. Cette perte de taille peut sans doute être attribuée à des circonstances extérieures moins favorables, quoiqu’on ne puisse cependant pas regarder comme étant dans des conditions désavantageuses des animaux pouvant errer dans de vastes parcs, et nourris pendant les hivers rigoureux.

Il y a eu aussi chez les moutons, et dans un même troupeau, une reproduction consanguine longtemps soutenue ; mais je ne saurais dire si des individus de parenté très-rapprochée, ont été aussi souvent appariés entre eux que cela a eu lieu pour le bétail Courtes-cornes. Pendant cinquante ans, MM. Brown n’ont introduit aucun sang étranger dans leur excellente souche de Leicesters. M. Barford a fait de même pour ses troupeaux de Foscote, depuis 1810. Il soutient qu’une expérience d’un demi-siècle l’a convaincu que, lorsque deux animaux de proche parenté sont parfaitement sains de constitution, les unions consanguines n’entraînent aucune dégénérescence ; mais il ajoute qu’il ne se fait pas un point d’orgueil de ne faire reproduire que des animaux consanguins les plus rapprochés. Le troupeau Naz, en France, a été maintenu pendant soixante ans, sans l’introduction d’un seul bélier étranger[2]. Néanmoins, la plupart des grands éleveurs de moutons ont protesté contre une trop grande prolongation des unions consanguines[3]. Un des éleveurs récents les plus célèbres, Jonas

  1. Azara, Quadrupèdes du Paraguay, t. II, p. 254, 368.
  2. Pour le cas de MM. Brown, Gardener’s Chronicle, 1855, p. 26. — Pour les Foscotes, ibid., 1860, p. 416. — Pour le troupeau Naz, Bull. Soc. d’Accl., 1860, p. 477.
  3. Nathusius, O. C., p. 65. — Youatt, On Sheep, p. 495.